Film

Comment filmer et recevoir les témoignages d’hommes violents ?

« Moi, je ne suis pas violent, je suis quelqu’un de bien. » Les premiers mots de Combattre leur violence, diffusé ce mercredi à 22h45 sur France 2, peut se raidir. Le documentaire suit un groupe de soutien réservé aux hommes condamnés pour violences conjugales. Cette phrase introductive est tirée de ces séances de discussion.

« Que la société soit prête ou non, il nous a semblé nécessaire de nous intéresser durablement à ces hommes : qui sont-ils ? Dans quelle négation suis-je ? Quels sont les blocages et les trajectoires qui les mènent à tant de violence ?, explique un 20 minutes Mélissa Theuriau, la réalisatrice du reportage. Il est important d’apporter des réponses pour mieux protéger les enfants et les accompagnateurs. »

Cette note d’intention soulève d’autres questions : comment filmer ces individus ? Comment accueillir leurs témoignages ? Quelle place peut, ou ne peut pas, avoir de la compassion pour eux ?

« Des actes ont été commis, nous sommes là pour en parler »

Précision importante : il n’y a aucun doute sur ce qui s’est passé. Tous les hommes qui participent à ce groupe de soutien à Cergy (Val-d’Oise) ont été reconnus coupables par la justice. « A partir du moment où il y a condamnation, on peut se pencher sur le problème de la violence, qu’ils la nient, qu’ils changent ou non. Il y a eu des actes qui ont été commis, on est là pour en parler », souligne le producteur.

Le programme de prévention de la récidive mentionné dans le rapport a été lancé en 2008. Il se déroule deux fois par an avec une dizaine de personnes différentes à chaque fois. « Il y a des entretiens de sélection. J’y ai assisté, raconte la réalisatrice Florie Martin. J’étais là depuis le début, ma présence s’est confirmée. »

Le Service pénitentiaire d’insertion et de probation du Val-d’Oise (SPIP) a d’abord hésité à donner son feu vert aux journalistes. Les précédentes productions de 416 Prod, dont certaines donnaient la parole à des victimes de violences, avaient fini par convaincre l’administration que l’objectif n’était pas « sensationnaliste ».

« Nous devions être oubliés »

« Florie a fait un travail complexe et de longue haleine, précise Mélissa Theuriau. Elle s’est beaucoup déplacée sans appareil photo. Il a trouvé le dispositif le plus adapté et le plus discret pour que notre film ne change pas la réalité : il n’y a pas de caméras dirigées vers ces hommes, ils ne portent pas de micros… Il fallait nous oublier. Nous voulions aussi qu’ils soient anonymes. Ils pouvaient avoir cette liberté d’expression parce qu’ils n’étaient pas reconnus. »

« Le cadre était très important, on ne pouvait pas s’en sortir, confirme Florie Martin. Nous avons délibérément choisi de ne pas suivre ces hommes chez eux, dans leur quotidien, de ne pas se lier d’amitié avec eux. Je leur ai parlé en tant que membre du groupe, tous en même temps. Il n’y avait pas de compassion, ni cette forme d’attachement aux personnages qui peut être à l’œuvre dans d’autres reportages. »

Pourtant, ce n’est pas un procès médiatique qui attend les protagonistes. Combattre leur violence il peine à suivre l’angle de son titre. « Voir évoluer ces hommes n’est pas une source de joie mais d’espoir », confie Mélissa Theuriau. On se dit « Ici, ça bouge, c’est rassurant ». cela peut sembler minime, mais quand germe la graine d’un début de prise de conscience, alors que certains partent de dénis absolus, c’est déjà un pas important pour l’avenir. »

« Certains essaient de se positionner en victimes »

Le rapport présente également le travail des conseillers en probation et en insertion qui animent ces séances d’échanges. « On essaie de montrer que, pour capter ce mot et apporter de l’aide, il faut être formé, souligne Mélissa Theuriau. Il y a les bavards discrets, qui maîtrisent la rhétorique et savent se positionner en victimes. La psychologue clinicienne Linda Tromeleue et ses consultants sont extraordinaires : il y a de l’écoute et, en même temps, ils ont assez d’expérience pour ne pas accepter tous ces propos et pouvoir s’y opposer. »

Réalisateur et producteur n’excluent pas de poursuivre ce reportage pour voir, dans quelques années, ce que sont devenus ces hommes. En Belgique, où de tels programmes fonctionnent depuis trente ans, le taux de récidive est passé de 38 % à 18 %.

Simon

Je m'appelle Simon et je suis responsable de la section cinéma de vipcom. Père de deux enfants et grand amateur de propositions cinématographiques inhabituelles. Je pense que si l'on veut faire un bon film, il faut être passionné et savoir donner vie à sa vision. Mais j'aime aussi rêver de temps en temps - il est important de rester créatif !

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