Film

Corsage : critique qui libère Sissi l’impératrice

Une Sissi pas comme les autres

Comme Caterina de Médicis, Maria Stuarda ou Marie Antoinette, Elisabeth Amélie Eugénie de Wittelsbach ou « Sissi », elle fait partie de ces femmes qui ont marqué la grande histoire. Après son mariage avec l’empereur autrichien François-Joseph Ier en 1854 (à l’âge de 16 ans), la duchesse devient impératrice et l’une des femmes les plus célèbres au monde. Admirée pour sa prestance et sa beauté envoûtante, Sissi occupe depuis les écrans, devant un véritable objet cinématographique, notamment grâce aux films d’Ernst Marischka avec Romy Schneider.

Une question se pose forcément à chaque nouvel ouvrage consacré à l’Impératrice : comment raconter la vie d’une femme célèbre comme Sissi ? Marie Kreutzer, directrice de Corsageest bien conscient de ce problème et a donc fait des choix audacieux, comme ne jamais prononcer le nom « Sissi » ou même nous présenter l’impératrice à l’âge de quarante ansloin des représentations plus juvéniles et habituelles de Sissi.

Au-delà des conventions

Sissi de Vicky Krieps, démontrant une fois de plus l’étendue de son talent, n’est pas le personnage romanisé et glamour traditionnellement dépeint. Nous voici spectateurs de la vie d’Elisabeth, une femme terriblement seule, sans cesse observée, épiée et qui ne vit plus son rôle. Cette femme admirée pour sa beauté, sa chevelure immense et ses vêtements majestueux est montrée sous un autre angle.

Corsageil vise à révéler la personnalité de l’impératrice, à dévoiler ses angoisses, ses ambitions, mais aussi à la montrer dans son quotidien et à insister sur ce qui faisait d’elle une femme si différente, moderne et intelligente. Ainsi, le film réécrit l’histoire et décide de remplir son récit d’anachronismes plus ou moins pertinents.

Corsage : Photo Vicky Krieps, Finnegan OldfieldUn objet de cinéma ante litteram

Confinement impérial

A eux seuls, si le téléphone mural et le panneau lumineux des issues de secours n’apportent rien à l’histoire, certains anachronismes parviennent à apporter des touches de modernité pour montrer que Sissi était bien en avance sur son temps. Et c’est peut-être ce qui fait toute la tragédie du personnage.

L’anachronisme le plus intéressant est peut-être celui de sa rencontre avec le pionnier du cinéma Louis Le Prince, qui filme l’Impératrice et fige ainsi son image dans le temps. La musique moderne correspond étrangement à l’histoire et révèle la poésie qui se dégage du destin tragique de l’impératrice Sissi. Sissi est représentée comme une femme qui veut s’impliquer dans la politique de son pays, mais qui est constamment rejetée par son mari. Constamment citée dans son statut d’épouse d’empereur, elle est une « femme de » avant d’être elle-même. Sissi c’est un visage et un corps avant d’être une personnece n’est rien d’autre que la vitrine de l’empire autrichien.

Corsage : Photo Vicky Krieps

Une femme comme les autres, ou presque

La mise en scène s’efforce de donner cette impression de contrainte constante en la montrant souvent en train de se coiffer, s’habiller, repasser. Avec son corps vieillissant, Sissi pouvait revendiquer son premier devoir, celui d’être avant tout une personne physique. Escrime, équitation et gymnastique, le sport est le seul moyen pour Sissi de garder le pouvoir sur son corps vieillissant.

L’enfermement constant de Sissi est rendu explicite par une métaphore visuelle significative. Comme Alice au pays des merveilles après avoir mangé le gâteau qui fait grandir, Sissi sort de la pièce où elle se trouve et frappe le plafond. Elle étouffe. Sissi est trop grande pour ce monde archaïque et pouvait très bien faire exploser la boîte dans laquelle il était stocké.

Corsage : Photo Vicky KriepsSissi au pays des horreurs

Arracher le corset

Soi Corsagereste assez classique dans son approche « portrait de femme », il défie les attentes des biopics actuels comme ces derniers temps Cheveux blondsmais aussi les films de Pablo Larraín, qui refuse de ne montrer que la captivité et concentre une grande partie de son récit sur la libération de Sissi. En outre, la fameuse mort de l’impératrice est réécrite pour lui offrir une issue tout aussi tragique, certes, mais moins arbitraire.

Après des années de conformisme, au tournant de la quarantaine, il décide de reprendre le pouvoir sur sa vie en s’éloignant de sa vie publique et peut ainsi s’épanouir dans ses voyages, dans ses rencontres, dans ses aventures. En réécrivant l’histoire de Sissi et en donnant de l’importance à sa vie privée, Corsage cela permet à Sissi d’échapper à son destin désastreux et lui donne un peu de répit.

Corsage : Photo Vicky Kriepslibere-toi

La libération provisoire de Sissi signifie aussi qu’elle parvient à disparaître de l’espace public, cachant déjà son visage avec un voile puis remplacée de plus en plus fréquemment par ses servantes. Egalement cachés par un voile, ils peuvent parfaitement interpréter le rôle de Sissi à qui l’on demande simplement d’accomplir un acte de présence.

Une séquence reste en tête, celle où sa servante porte à tour de rôle le corset de Sissi et se retrouve donc à devoir porter un poids bien plus écrasant, celui qui est constamment posé sur les épaules de Sissi. Malgré ses efforts, Sissi ne pourra jamais se libérer complètement la réalisatrice lui arrache son corset. Elle lui accorde le droit de fumer, de jurer et surtout de se couper les cheveux, emblème de sa beauté et, par conséquent, de son oppression.

Corsage : Affiche

Simon

Je m'appelle Simon et je suis responsable de la section cinéma de vipcom. Père de deux enfants et grand amateur de propositions cinématographiques inhabituelles. Je pense que si l'on veut faire un bon film, il faut être passionné et savoir donner vie à sa vision. Mais j'aime aussi rêver de temps en temps - il est important de rester créatif !

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