Film

CRITIQUE – « Corsage » sur une Sissi post-MeToo, « irrévérencieux » et « troublant », selon Le Masque

Présentation par Jérôme Garcin

« Corsage », un film de l’Autrichienne Marie Kreutzer sur Elisabeth, impératrice d’Autriche et reine de Hongrie, alias Sissi, avec Vicky Krieps dans le rôle, incarné dans un film beaucoup plus kitsch de Romy Schneider.

Le corsage du titre est le corset qui opprime Sissi. A Noël 1877, alors qu’elle fête ses 40 ans sans pouvoir s’exprimer, devant se soumettre à des règles qui l’étouffent, Marie Kreutzer joue avec l’anachronisme et la cavalière Sissi se cabre, rebelle. À un moment donné, il fait aussi le majeur. Bref, c’est une Sissi post-MeToo.

Et cela avait valu à Vicky Krieps le prix de la meilleure performance dans la section Dans une certaine perspective où le film a été projeté.

Jean-Marc Lalanne salue le jeu d’acteur mais est confus par les anachronismes

Jean-Marc Lalanne a beaucoup aimé ce film : « Les images que nous avons associées à ce personnage historique sont vraiment brutalisées par ce film. C’est vraiment une sorte de démystification absolue de la figure que Romy Schneider avait construite dans les films des années 50″.

Selon le critique, ce sont vraiment des états d’un corps et en cela le film est assez intéressant : « La très bonne idée est de se concentrer principalement sur le corps du personnage et voyez comment le corps de l’impératrice est toujours constamment resserré, martyrisé. Ses troubles alimentaires sont quelque chose qui définit très, très fortement le personnage. Sa frustration sexuelle, son appétit sexuel… »

Il est cependant déconcerté par les saillies anachroniques : elle écoute les Rolling Stones ! –, qui comprend dans le cinéma de Sofia Coppola, mais pas dans ce film : « Ces choses qui peuvent être ludiques, on peut les trouver frivoles, drôles ou pas. Je ne comprends tout simplement pas que dans ce film, pourtant assez sérieux, presque un peu alourdi par une gravité globale ». Il détaille son propos : « Avec Sofia Coppola il fait partie d’un régime pop général et frivole qui, là, ne marche pas du tout. C’est juste un peu flippant. »

Selon Jean-Marc Lalanne : « Le film est calme effrayant et intéressant. Pour une fois, que ça s’appelle performance ou pas, je trouve le prix de la performance à Vicky Krieps totalement mérité.

Pour Eric Neuhoff, c’est un biopic sur Lady Dady

La critique du Figaro apporte un éclairage nouveau, proposant une autre lecture : « Ce n’est pas du tout une biographie de Sissi, c’est un biopic de Lady Di. C’est pourquoi il y a tous ces anachronismes. C’est vrai, l’anorexie, la liaison avec l’écuyer, à un moment on la voit sur un yacht. Voici ce qu’il en est. »

Expliquez que vous avez compris ce parallèle en regardant : « Au début on est complètement confus, on se dit mais comment se fait-il qu’il y ait ces choses là, ça n’existait pas alors ! » petit à petit on comprend les propos du réalisateur et de Vicky Krieps.Énumérez les choses qui lui ont fait penser à Diana : « le genre de maladresse dans les corsets, les conventions, le protocole. Le majeur. Dire ‘t’es un gros con’ au valet de son mari. Tout ça, on imagine bien se passer à Buckingham. »

Bref, selon lui, « Vous en apprenez 100 fois plus sur ce que c’est que d’être une princesse mariée à quelqu’un dont vous ne voulez plus que dans la série ‘Meghan et Harry’ sur Netflix. » Même si ses confrères critiques doutent qu’Eric Neuhoff ait vu cette série…

Xavier Leherpeur trouve la mise en scène trop forte

Xavier trouve ses collègues critiques un peu trop gentils avec ce film, comme il l’explique : « En fait, la pauvre, elle porte un corset, ça l’empêche de respirer. Alors c’est étouffant dans son rôle de princesse et à la cour où elle règne, ça va… Alors ‘Je vais tout corseter’, dit le réalisateurJe vais corseter la production, donc je vais faire de petits plans serrés, qui sont très anxiogènes. »

Il a trouvé le temps long: « C’est très long car à un certain moment il faudrait casser un peu ce principe de mise en scène qui est d’ailleurs peu appuyé, pour faire advenir la liberté, quand elle couche avec son mari, quand elle rencontre Louis le Prince, le vrai inventeur du cinéma, un personnage qui a aussi vraiment existé ».

Selon le critique, le film manque cruellement de sensualité et de volupté : « Une scène que j’ai trouvée tellement ridicule que j’en ris encore, où elle rejette sa gorge en arrière, comme ça, et son amant vient lui mettre du chocolat chaud dans la bouche. Alors oui, moi, le premier qui me fait ça, c’est deux claques. Elle a une robe absolument magnifique, et il gifle sa robe, elle est baisée, personne ne la récupérera. »

Pour lui, « simplement, je découvre qu’au bout d’une demi-heure, pour moi, il a tout dit ».

Sophie Avon aime beaucoup le film, elle le trouve très beau

La critique explique ce qu’elle a aimé: « Je trouve ça à la fois formellement très solennel et effectivement assez sérieux, une obligation de la cour impériale. C’est à la fois transgressif, irrévérencieux, puis les doigts et la compagnie, car le personnage l’exige. C’est une femme que je trouve évidemment très différente de Sissi. Mais elle est cette femme est vaste, et évidemment bien plus vaste que cette fonction à laquelle elle serait soumise, ses qualités, outre la beauté avec la jeunesse. C’est donc une femme intelligente, vive, aimante. Elle s’occupe de ses enfants, c’est une femme tenace, c’est une femme endurante. C’est une femme qui est aussi compatissante, qui rend visite aux femmes à l’hôpital psychiatrique et qui souffre pour elles et dont l’angoisse est ressentie comme la sienne. »

Ce qu’il trouve intéressant, c’est « que de n’être pas cultivée, de ne pas être prise en considération par d’autres qu’elle-même, ses qualités se sont estompées encore plus vite que sa beauté. Et cela, je pense, est très beau parce qu’elle se sent tout à coup un portrait déchirant d’une femme qui n’est pas seulement une reine étouffée, mais surtout une femme qui se dessèche car au final ça devient presque mauvais. Je pense que Vicky Krieps, franchement, est incroyable, elle mérite ce prix. »

Pour en savoir plus, écoutez l’émission…

Le masque et la plume


54 minutes

Simon

Je m'appelle Simon et je suis responsable de la section cinéma de vipcom. Père de deux enfants et grand amateur de propositions cinématographiques inhabituelles. Je pense que si l'on veut faire un bon film, il faut être passionné et savoir donner vie à sa vision. Mais j'aime aussi rêver de temps en temps - il est important de rester créatif !

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