Les Rascals : critique d’une bavure prolifère

Jimmy et les Jets
Deux gangs de garçons de dix ans recherchent des poux à la périphérie de leur banlieue. Rudy et Rico, en particulier, aimeraient faire face sereinement. Rien que ça, pas de chance : l’un est arabe et l’autre est noir. Il n’en faut pas beaucoup pour que le criminel blanc, trois fois son âge, témoin de la scène, décide d’y mettre son grain de sel. battre les enfants lui-même. Après cette raclée, les mini-caïds deviendront amis et nous les retrouverons plus tard membres des Rascals, une bande de couleurs mélangées avec laquelle ils font régulièrement frire les bandes de haricots parisiens.
Ne vous fiez pas à l’impression donnée par le décor du film. Entre les chamailleries entre gamins aux dialogues qui sonnent faux, la présentation des différents groupes qui laisse présager un Histoire du côté ouest du supermarché ou des jeunes d’aujourd’hui qui peinent à être naturels parlant comme s’ils venaient des années 80… le film donne presque, au début, l’impression qu’il se veut comique. Peut-être pour mieux surprendre la violence, aussi injuste que soudaine, qui s’abat sur ses héros ? En tout cas, la maladresse apparente est de courte durée. Rapidement, Les coquins il cède complètement à son vrai ton, et ce n’est pas du tout une blague.
George Chakiris prend la photo
Rétro dans le collimateur
Si le film raconte son histoire à travers le vécu de quelques jeunes, Jimmy Laporal-Trésor fait tout pour clarifier les choses : c’est une situation systémique qui dénonce. Validés en coulisse par un professeur d’université tirant les ficelles, plutôt que par des flics complices et des médias hypocrites, le racisme et la violence des skinheads en herbe se frayent un chemin sans danger dans une société complaisante. Les seules armes des Rascals, pour se battre ? Battez-vous ou rejoignez l’armée pour peut-être échapper à la misère au bout du chemin.
Le film trouve une belle identité visuelle en esthétisant volontiers la banlieue sans tomber dans la caricature d’une image « vintage » pour représenter une époque révolue. Favorise Laporal-Trésor des plans séquences aussi discrets que captivants pour mettre en scène des moments cruciauxs, et filme ses acteurs avec une surprenante délicatesse.
Un point faible cependant : le traitement des personnages féminins qui ne sont que le support de volontés masculines. Avec une passivité presque totale, le personnage deAngela Woreth représente fidèlement les défauts d’une personne trop influençable, mais à un niveau de silence caricatural. Les autres femmes que nous voyons ne servent qu’à être harcelées dans la rue par nos héros.
Vous pouvez faire du café noir
Une violence de l’histoire
Bien sûr, l’histoire pourrait se dérouler dans les années 80, mais c’est comme ça appelle à un parallèle avec les tensions politiques actuelles. A l’heure où les crimes racistes sont de plus en plus revendiqués à Paris et où les violences policières se retrouvent dans le cœdébats, Les coquins au contraire, il donne l’impression de nous montrer un futur proche.
Ceci est suggéré par la frontalité avec laquelle certains sujets, désormais tabous dans les médias, sont abordés l’heure du film sert surtout de couverture pour pouvoir poinçonner la table librement. Et Jimmy Laporal-Trésor ne s’arrête pas là, car en parallèle du film il réalise le court métrage soldat noircandidat au César 2022 du meilleur court métrage de fiction, et qui raconte la suite du combat avec Jonathan Feltre lui-même.
Hurle avec la meute
La direction irréprochable des acteurs permet à Jonathan Feltre, Missoum Slimani, Marvin Dubart et leurs acolytes d’incarner le Rascal parfois bâclé, mais surtout émouvant, et Victor Meutelet de faire grincer des dents le futur Skinhead face à la violence. Jimmy Laporal-Trésor est-il le nouveau Spike Lee ? Pourtant, il revendique son admiration pour le cinéma de Costa-Gavras, e l’intelligence de sa caméra et l’efficacité de son écriture laissent présager qu’il sera l’un des futurs grands réalisateurs pressés.