Film

“L’Odyssée de L’African Queen” sur Arte : Katharine Hepburn, icône subversive ou star modèle à Hollywood ?

Actrice connue pour son anticonformisme, l’héroïne d’un des chefs-d’œuvre de John Huston, toujours détentrice du record de l’Oscar, a dû adoucir son image pour devenir populaire, son féminisme était perçu comme menaçant.

Lors de sa sortie en 1952, L’Odyssée de la reine africaine, film d’aventure exotique tourné en partie au Congo, où elle incarne une missionnaire célibataire amoureuse de l’aventurier Bogart, Katharine Hepburn a déjà entamé la deuxième partie de sa carrière. Cela avait pris une tournure singulière, il y a dix ans.

À l’origine, il y avait un ajustement du script. La présentation en 1942 de La femme de l’année, brillante comédie sur le mariage de George Stevens, fait grincer des dents. La fin, notamment, qui voit Katharine Hepburn, sous les traits d’une chroniqueuse, démontrer sa supériorité intellectuelle sur son conjoint journaliste sportif, incarné par Spencer Tracy. Tandis que le les gars dès qu’on entre en guerre, cette gifle à la masculinité n’atteint pas le public invité à l’avant-première. Deux ans plus tôt, après une série de flops qui lui avaient valu le surnom de « poison du box-office », « Kate » avait retrouvé les faveurs des cinéphiles en tant qu’héritière transfigurée par l’amour.  » Dans rumeurs, par George Cukor, Hepburn, l’enfant gâté et hyperactif, a été ramené sur terre, décrypte l’historien John Kobal. Un homme ordinaire, joué par James Stewart, lui a dit qu’elle n’était pas une créature de glace, mais une « vraie femme ». »

Jusque-là, elle avait rejeté les stéréotypes que les studios voulaient lui faire endosser. Arrivée à Hollywood en 1932 avec un mari, Ludlow Oggen Smith, dont elle divorce rapidement, et une compagne, Laura Harding, constamment à ses côtés, Hepburn remporte son premier Oscar en 1934, mais voit sa carrière stagner. Fille d’un médecin progressiste et d’une suffragette, cette bourgeoise athlétique, qui porte des pantalons d’homme, fuit la vie mondaine et n’efface pas son accent de la Nouvelle-Angleterre, interroge plus qu’elle ne séduit.

Après un premier Oscar, la carrière de Katharine Hepburn ne décolle plus, sa personnalité interroge plus qu’elle ne séduit le public.

Photos de Bridgeman

Son jeu finit par fatiguer les critiques. L’égoïsme et l’androgynie de ses héroïnes, du pilote de Le papillon d’argent déguisé Silvia Scarlette, creusant un fossé entre l’actrice et son public. Qui se demande qui est Katharine Hepburn, qui semble se passer d’hommes dans sa vie comme à l’écran, à qui on ne prête que de brèves liaisons avec John Ford et Howard Hughes, et dont le partenaire fétiche, Cary Grant, est plus qu’un alter ego qu’un objet de passion.

Tout en continuant à préserver son train de vie unique, la star revenue en grâce au sein de la très conservatrice MGM acceptera de sacrifier son combat féministe sur l’autel de la popularité. « La Métro sentait que son personnage était en La femme de l’année il était si fort qu’il a finalement dû être apprivoisé et châtié »dira le scénariste Ring Lardner Jr. Ce dernier écrit alors une nouvelle fin dans laquelle Kate prépare – et perd – le petit-déjeuner pour son mari.

 » C’est ainsi, écrit l’essayiste David Thomson, que Hepburn était devenue aimée, tandis que Tracy venait de trouver un compagnon pour qui elle n’avait pas à sacrifier sa dignité. Elle le regarda avec adoration, une attitude qu’elle avait rarement montrée à l’écran. La rumeur de rumeurs d’une liaison adultère entre « Spence », qui est marié, et Kate achève l’humanisation de l’actrice désormais de retour dans les rangs. Il est vrai que cette transgression est presque rassurante compte tenu des rumeurs actuelles sur sa bisexualité. Le succès des neuf films tournés par le couple ; la dévotion d’Hepburn, qui vit avec sa secrétaire mais se consacre à Tracy jusqu’à sa mort en 1967, change la perception des téléspectateurs de celle qui était depuis longtemps rebelle.

« De plus en plus, analyse l’universitaire James Naremore, elle est devenue le symbole d’un féminisme domestiqué et inoffensif, au point d’expier toutes ces années d’indépendance, jouant les célibataires qui déclarent leur admiration pour ces icônes de la virilité vieillissante, comme Humphrey Bogart ou John Wayne. » C’est cette mutation, couronnée par trois autres Oscars – un record inégalé à ce jour -, ainsi que sa longévité qui expliquent pourquoi Hepburn, décédé en 2003 à 96 ans, est devenu une institution. Sa subversion, quant à elle, est redécouverte par les nouvelles générations.


Ont
St L’Odyssée de la reine africaineDimanche 18 décembre sur Arte à 21h00

Simon

Je m'appelle Simon et je suis responsable de la section cinéma de vipcom. Père de deux enfants et grand amateur de propositions cinématographiques inhabituelles. Je pense que si l'on veut faire un bon film, il faut être passionné et savoir donner vie à sa vision. Mais j'aime aussi rêver de temps en temps - il est important de rester créatif !

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