Lot : Diane Baratier, de chef opérateur pour Eric Rohmer à réalisatrice

Diane Baratier a été la directrice de la photographie d’Eric Rohmer pendant dix-neuf ans. Aujourd’hui, elle est réalisatrice et vit entre le Lot et la Corrèze.
Il a travaillé dans l’ombre d’Eric Rohmer et est aujourd’hui sous les projecteurs. Diane Baratier a présenté son film documentaire sur le peintre Yahne Le Toumelin ce mardi après-midi à Cahors dans le cadre du festival Cinédélices, au cinéma Grand Palais de Cahors. Avant de passer derrière la caméra, cette Parisienne qui vit désormais à Beaulieu-sur-Dordogne, à la frontière entre la Corrèze et le Lot, a été formée par les plus grands. D’abord de ses parents : son père réalisateur et sa mère monteuse et réalisatrice ont travaillé avec Claudia Cardinale, Daniel Emilfork, Guy Bedos, Jean-Paul Belmondo, Roger Vadim et Simone Signoret. A 18 ans, la petite Baratier fait ses armes avec le réalisateur Raoul Coutard. Son père lui a dit : tu deviendras directeur de la photographie parce que tu dois travailler et gagner de l’argent. Diane s’exécute avec plaisir. Entrez dans l’univers New Wave en tant qu’assistant. Et puis un jour, en 1991, elle revient des Jeux Olympiques d’Albertville où elle a travaillé sur le train de nuit et sa vie a pris un tout autre tournant. « Éric Rohmer cherchait une débutante pour son film L’arbre, le maire et la médiathèque. J’avais envoyé mon CV il y a six mois et je n’avais pas reçu de réponse », raconte-t-il.
Lorsqu’il arrive dans son appartement de Bagnolet, il entend la voix d’Eric Rohmer sur le répondeur : oui, c’est lui et il veut avoir de ses nouvelles. Le même après-midi, il monte les escaliers jusqu’au 3e étage du 22 avenue Pierre-1er-de-Serbie à Paris. « Son bureau ressemblait plus à un salon avec des tableaux, il m’offre du thé, me demande si j’ai un permis de conduire et à la fin il me dit que c’est décidé, il me propose une journée test en série », se souvient-il.
Cours du soir à l’école Louis Lumière
L’aventure commence devant la célèbre brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain. Diane est fiévreuse : le soir elle va en cours à l’école Louis Lumière mais elle n’a pas le droit de travailler en 35 mm donc elle a peur de ne pas être à la hauteur. « J’étais tellement émue et stressée que le temps m’a semblé une éternité », glisse-t-elle. Diane bouge et court après tous les acteurs, avec son appareil photo de 20 kilos sur l’épaule. Il faudra deux semaines à Éric Rhomer pour monter la séquence, mais le jeune directeur de la photographie est embauché.
Les films se succèdent sans se ressembler : conte d’été, L’Anglais et le Duc, agent triple… Diane Baratier et Eric Rhomer collaborent, complices. « C’était mon père spirituel, socialement, il m’a donné une place, une chance que personne ne m’aurait donnée ». La jeune Parisienne s’occupe du tournage et de la lumière sur tous les films jusqu’à sa mort en 2010, soit plus de 500 heures de tournage, toujours à proximité d’une gare ou d’une station de métro car le réalisateur a la voiture en horreur. A sa mort, Diane monte en puissance et envoie des scénarios, malgré sa dyslexie. Il s’écrase dans le plafond de verre : personne ne veut d’une réalisatrice qui fait des fautes d’orthographe. Pas sérieux. Il se tourne vers les documentaires et dédie le premier à son père. Le directeur de la photographie restaure ses films et ceux d’Eric Rohmer avant le passage au numérique. Il sauve ainsi plusieurs productions qui risquaient de tomber dans l’oubli. Son quatrième documentaire est consacré à Yahne Le Toumelin, une artiste amie de son père et également mère du moine bouddhiste Matthieu Ricard qui « a passé toute sa vie à chercher la lumière » et dont l’œuvre a été sauvée par ses enfants. Et cette histoire, à Diane, lui parle. Il autoproduit son film et le présente dans des festivals. Pour lui donner un peu de lumière.