« Smile » : le sourire de la mort

L’AVIS DU « MONDE » – A VOIR
Le sourire s’ouvre sur une longue scène qui instille son horreur dans la banalité : Rose Cotter (Sosie Bacon), qui travaille dans une unité psychiatrique, parle face à face avec un patient en détresse. Elle dit être hantée par une entité qu’elle seule voit : un être qui change souvent d’apparence et lui sourit avant de la menacer de mort. Sujet à une crise au milieu de la séance, le patient se fige dans un sourire avant de se suicider brutalement devant ses yeux. Pour toute parcelle, Le sourire il évoque une psychose contagieuse qui, jusqu’à présent, a touché dix-neuf personnes et devrait bientôt faire une nouvelle victime. Alors que la santé mentale de Rose se détériore, la psychiatre souffre de la même maladie que son patient suicidaire. Abandonnée par le travail et son petit ami, elle décide de retourner aux origines du mal.
Le réalisateur Parker Finn, qui réalise son premier long métrage, n’est pas le premier à utiliser un sourire comme expression physique du mal. Avant Le sourireévidemment on y pense Joker (qui s’inspirait déjà de L’homme qui rit) ou le sourire parfaitement diabolique de Jack Nicholson brillant (Stanley Kubrick, 1980)avant d’incarner le Joker lui-même (Homme chauve-souris de Tim Burton, 1989). Parker Finn, qui s’inspire de son court métrage Laura n’a pas dormi (2020) explique : « J’étais curieux de savoir si nous pouvions utiliser une expression faciale réconfortante pour semer la panique parmi les téléspectateurs. «
Moins est plus
Ce sourire est la marque d’un réalisateur qui fonde son horreur sur des effets simples, un moins est plus qui a déjà fait ses preuves : une œuvre d’espace, souvent vide, qui entoure son héroïne, des effetsréduites à leur minimum, et, l’appréhension inoculée au spectateur, de voir un sourire se dessiner sur le visage d’un personnage. Soi Le sourire il ne révolutionne rien, et surtout il ne cherche pas à le faire, son minimalisme narratif et formel est à saluer à une époque où les histoires ne cessent de fléchir leurs muscles et de perdre le spectateur dans un labyrinthe d’intelligence vaine.
Malgré ses deux heures, Le sourire a la pudeur d’une série B décharnée, où l’horreur, ici, tient moins à une débauche de violence qu’à un contrechamp, où l’apparition d’un simple sourire détériore peu à peu l’esprit et le corps de l’héroïne, passant lentement du statut d’un psychiatre à celui d’un cas clinique désespéré. Le vrai sujet de Le sourire – et, ce faisant, du film d’horreur – serait ce que l’angoisse fait au corps : elle le déforme, l’abîme, l’isole, le ternit – l’actrice Sosie Bacon se consacre corps et âme à ce travail de déchéance. Le film poursuit une veine qui perçoit le film d’horreur comme une intensification de la fiction gothique (héritage, folie, fantôme, maison hantée, incendie), l’histoire d’un visage de femme se dissolvant lentement dans l’image.
Il vous reste encore 4,24% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.