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Ces clichés qui empêchent les hommes de porter des bermudas en été

Ça n’a l’air de rien, mais c’est une petite révolution stylistique : à partir du 3 juillet, les chauffeurs de bus parisiens pourront porter le bermuda sur leur lieu de travail. Une victoire âprement disputée remportée par des conducteurs de train qui en avaient assez de transpirer dans leur pantalon pendant les canicules. Issu de la collection RATP été 2018 et disponible à partir du 15 juin, le bermuda en coton polyester/Lycra vert jade (en fait un pantalon pouvant être raccourci par un zip) est un vrai succès : déjà 500 commandes.

Mais attention, comme celle du burkini ou du nœud papillon sur les marches du Palais des Festivals, l’utilisation du bermuda RATP est strictement encadrée. Autorisé uniquement du 1er juin au 30 septembre et sous réserve d’une note de la direction « lorsque les températures annoncées dépassent 28° », le fameux vêtement doit être accompagné de la chemise blanche ou du polo gris prescrits. Et attention aux originaux : les chaussettes sont interdites : chaussettes uniquement.

Jean-Luc, 46 ans, chauffeur depuis quinze mois, est enthousiaste : « J’en commanderai un, bien sûr, mais je ne sais pas comment le porter, ça dépendra de son confort. Je pense que c’est une bonne chose, mais je préférerais de loin avoir la climatisation dans le bus. Louis est un pilote d’une autre époque, quarante ans dans les stands. Trois mois avant la retraite. Pour lui c’est niet : « C’est bien pour les jeunes, mais c’est détendu, pas correct. Comme les gens nous méprisent trop, je ne vois pas comment nous serons respectés aux Bermudes !

Violence des échanges dans un environnement inconditionnel

Porter des shorts au travail est une affaire sérieuse. L’été dernier, des chauffeurs de bus nantais ont fait sensation en venant travailler en jupe (empruntée à leurs collègues féminines) pour protester contre l’interdiction de porter un bermuda au volant. Ils avaient prévalu. Mais en 2001, la fameuse « affaire des Bermudes » avait mal tourné pour Cédric Monribot.

Pour éviter un coup de chaud en pleine canicule, cet agent technique de Sagem à Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) est venu travailler dans l’usine du groupe d’électronique en bermuda beige (simple, basique). Lorsqu’on lui demande à plusieurs reprises de mettre un pantalon, il refuse. Et finit par recevoir sa lettre de licenciement. Modèle? Violation du code vestimentaire de l’entreprise. Licencié par les prud’hommes, le fou « bermudiste » fera appel devant la Cour suprême, mais sera débouté deux ans plus tard, estimant que « la liberté de s’habiller comme on veut sur le moment et sur le lieu de travail n’entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales ». de belles jambes ? L’histoire ne le dit pas.

Mathieu, 26 ans, travaille dans le secteur du luxe. Ces jours-ci, il pense beaucoup au bermuda. Cependant, il ne peut pas le porter au bureau : « Si je travaillais dans une start-up, par exemple, je pourrais me le permettre, mais ça ne rentre pas dans le contexte professionnel là-bas, ça n’a pas l’air sérieux ! Est-ce que je confierais mon argent à mon banquier s’il me rencontrait en short ? Je trouve aussi qu’il y a une inégalité entre les sexes assez inédite. Quand il fait vraiment chaud, les femmes peuvent porter des jupes légères ou des débardeurs, tandis que nous, les gars, transpirons en pantalons habillés et chemises à manches longues. Benoît, 44 ans, travaille dans le tertiaire. Lui aussi est interdit de porter un bermuda : « Le vrai problème selon moi, c’est que pour l’employeur, bermuda c’est vêtement ample. Et qui dit relâchement vestimentaire dit relâchement de la productivité. Bref, vous n’êtes pas au travail pour faire du tourisme !

Cinquante nuances de bermuda

Trop casual, trop informe, trop redneck : le bermuda est un vêtement impopulaire dans le vestiaire masculin. Pourtant, chaque été, elle réapparaît sur les trottoirs des mégalopoles, à plus de 300 kilomètres même de toute plage. « Inventé » au début du 19e siècle par l’armée de Sa Majesté stationnée dans l’archipel caribéen des Bermudes, ce vêtement était à l’origine un uniforme raccourci au-dessus du genou. À l’époque, les militaires de la Royal Navy le portaient avec des chaussettes hautes, une cravate et un blazer, pour maintenir la formalité.

Initialement réservé aux militaires sous les tropiques, le port du short s’est rapidement étendu au reste de la société avec l’essor du sportswear dans la seconde moitié du XXe siècle. Quittez donc les gymnases et les plages pour envahir les villes. Multi-poches, palme, kaki, bleu Oxford… Tous les bermudas ne se valent pas sur l’échelle de la mode. Au fait, quelle est la différence entre un bermuda et un short ? Quelques centimètres de tissu : au-dessus ou au-dessous du genou se trouve le bermuda, à mi-cuisse se trouve le short. De nombreux créateurs ont depuis longtemps pris en main la question vestimentaire, tentant des propositions mode plus ou moins convaincantes. Le créateur new-yorkais Thom Browne, qui a fait du bermuda sa spécialité, a simplement imaginé un total look veste + bermuda. Difficile à porter lors de la réunion de référence de lundi.

Jacquemus, jeune créateur français, a présenté fin juin son premier défilé homme dans les calanques de Marseille. Sorte d’hymne à l’homme du Sud, son recueil intitulé « Gadjo » (en référence à la culture gitane) plaçait le curseur à mi-chemin entre « caillera cagole » et « beauf solaire ». Et forcément, il y avait le bermuda.

Et aussi le pantacourt, symbole par excellence du mauvais goût estival, du non-style et de la « décathlonisation du monde » (en référence à la première marque d’équipements sportifs en France). Bien sûr, les hipsters et autres influenceurs barbus de trois jours ont depuis longtemps conquis le champ de mines du bermuda. Ces « bermudistes » le portent avec une chemise classique aux manches savamment retroussées et des mocassins.

Même pour les plus aventureux avec des méduses en cuir et des chaussettes.

tabou sur les cheveux masculins

Vincent Grégoire, qui capte l’air du temps au bureau de tendances NellyRodi, est formel : « Pour porter un bermuda, il faut avoir de belles jambes, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Et si vous avez des canaris, c’est internat ou scouts. Il est vrai que pendant longtemps le bermuda a été un vêtement destiné aux enfants (les fameuses « culottes courtes » des gastronomes du pub Kiri).

Au 19ème siècle et jusqu’au milieu du 20ème siècle, nos chers enfants le portaient avec des chaussettes hautes, parfois même en hiver (cela permettait d’économiser sur les pantalons à repriser jusqu’aux genoux). « Plus sérieusement, je pense que le vrai problème du port généralisé du bermuda, c’est que pour beaucoup d’hommes, ça n’a pas l’air viril », explique Vincent Grégoire. Il y a encore un tabou sur la révélation de la jambe masculine. Le problème c’est les cheveux ! Pour de nombreux hétérosexuels, cela semble sale, ou pire, singe. Certains se rasent, comme pour discipliner leur animalité. Et puis en montrant ses jambes, il est tout de suite gay. D’autant plus si le bermuda est un peu serré. Quoi qu’il en soit, nous sommes encore dans des attitudes archaïques dominant/dominé et l’homme a du mal à se révéler, voire à s’offrir dans une relation de séduction. Seuls quelques sportifs échaudés, comme le basketteur NBA Russell Westbrook, se permettent de porter des bermudas à la mode sans que leur hétérosexualité ne soit remise en cause.

Car oui, la jambe de l’homme est érotique, et il n’y a rien de mal à ça. Il y a quelques mois, Call me by your name de Luca Guadagnino était très populaire. Véritable festival de courts métrages bermudiens et de courts métrages eighties, le film est aussi une déclaration d’amour aux jambes d’Armie Hammer, la doctorante…

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