Pyrénées-Orientales : deux écoles de Perpignan affichent les indices sociaux les plus bas de toute la France métropolitaine

Pour la première fois, le ministère de l’Éducation nationale publie les Indices de Position Sociale (IPS) des écoles et collèges français. Évaluer la situation sociale des élèves dans les écoles. Plus l’indice est élevé, plus l’élève évolue dans un contexte familial jugé propice à la réussite scolaire. Les Pyrénées-Orientales se caractérisent par des différences importantes entre établissements publics et privés lorsque deux écoles de Perpignan affichent l’IPS le plus faible de toute la France métropolitaine. Analyse approfondie de cette situation avec Rémy Sirvent, secrétaire national du secteur laïc, scolaire et social du syndicat des enseignants SE-Unsa et Nadia Alram, secrétaire départementale du SE-Unsa.
Avant d’analyser toutes les données, il est nécessaire de rappeler cette situation : avec un indice de position sociale (IPS) de 54,2 et 56,2 respectivement, les écoles perpignanaises Léon Blum et La Miranda ont l’IPS le plus bas… de toute la France métropolitaine.
Oui ils ne sont classés devant les écoles qu’en Guyane et à la Réunion. Dans ce classement décroissant on retrouve également l’école Victor Duruy (57,3) également à Perpignan.
Les enfants de la communauté gitane sont les oubliés de la République. Sous couvert d’une fréquentation fluctuante, ce qui est vrai, Miranda n’a pas les mêmes moyens que les autres écoles. Il leur manque un poste d’enseignant à part entière, ce qui entraîne également un problème de dédoublement de classe. Ces trois écoles ne sont pas toutes classées en éducation prioritaire renforcée. C’est une anomalie.
Plus généralement, que garde-t-il des données IPS non publiées du département ?
Dans les Pyrénées-Orientales, les écarts de GPI entre privés et publics sont extrêmes. Au collège, la moyenne nationale pour l’IPS (combinant public et privé) est de 103,3. Dans les PO, c’est 97,4. Ce premier chiffre n’est pas très surprenant car nous sommes le quatrième département le plus pauvre de France. Au sein du département, l’écart se creuse. La moyenne des IPS des sept collèges privés confessionnels de la P.-O. est de 116 points. Celui des trente autres collèges publics est de 93,6.
Les instituts religieux privés accueillent les enfants des familles les plus aisées. Les collèges privés sont aussi les plus sélectifs à l’entrée avec, dans le top 3, Jeanne d’Arc à Perpignan (IPS : 128), Saint-Louis-de-Gonzague à Perpignan (123) et Saint-Pierre-de-la-Mer à San Cipriano (123,5).
La situation est-elle la même dans les écoles primaires et élémentaires ?
L’IPS moyen des 214 écoles primaires et publiques du département est de 96,5. Celle des 14 écoles privées est de 110,3. Celui des écoles privées confessionnelles est de 118,6. Le classement des écoles primaires et élémentaires les plus sélectives comprend deux écoles privées – Jeanne d’Arc (127,3) et Sainte-Thérèse (123,3) – mais aussi l’établissement public Arrels Cassanyes avec un IPS de 125,6.
Comment expliquer cet endroit pour une école publique ?
C’est une école publique désectorisée. La mairie inscrit les élèves, le directeur les admet et les équipes s’inscrivent. Nous savions qu’il y avait des listes d’attente pour intégrer l’école. Nous ne savions pas comment les étudiants étaient sélectionnés. Lorsque nous apprenons que son IPS est de 125,6, nous avons maintenant un indice sur les critères de sélection des enfants.
Ce qui est encore plus frappant, c’est qu’à 100 mètres à vol d’oiseau, nous avons l’une des trois écoles avec l’IPS le plus bas, La Miranda.
Il faut du courage politique pour créer une nation à l’école et réunir des enfants séparés par accident à la naissance.
Quelle est votre analyse de ces données inédites ?
Presque partout, on constate que l’enseignement privé concentre des élèves issus de milieux privilégiés. En fin de compte, c’est la raison essentielle de son existence. Le séparatisme scolaire est une menace pour la réussite scolaire, la laïcité et le pacte républicain. Les enfants sont séparés sur la base du revenu de leurs parents. Il faut du courage politique pour créer une nation à l’école et réunir des enfants séparés par hasard à la naissance.
Pensez-vous qu’il existe des solutions ?
Oui, tournez-vous vers l’expérience toulousaine. Le conseil départemental de la Haute-Garonne a décidé de mener une expérimentation sur la mixité sociale. Pendant cinq ans, plus de 1 200 élèves des quartiers de la Reynerie et de Bellefontaine ont étudié, dès la sixième, dans onze internats « coup de coeur » à Toulouse. Le Département, l’Éducation nationale et un sociologue suivent de près ces élèves et leurs acquis. Ils s’intègrent, se mélangent, créent du lien social. Leurs résultats scolaires s’améliorent et ceux des autres étudiants ne diminuent pas. Ça existe, ça peut se faire.
Invité de l’émission « Quotidien » sur TMC, le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Pap Ndiaye, a assuré vouloir faire de la « diversité éducative » une priorité de son ministère.
Puce! A chaque fois que l’on veut évoluer sur la mixité, les élus brandissent le risque de relancer la guerre des écoles. Mais il est déjà perdu au détriment des étudiants nés dans des familles pauvres. Espérons que le ministre ne se contente pas de poster. C’est contre le mur. Aujourd’hui la coexistence n’existe pas. Nous sommes côte à côte. Si nous ne faisons rien, nous serons face à face demain. L’absence de mixité scolaire pénalise nos principes fondamentaux. « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » article 1 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Tout le monde naît libre et égal dans le droit de s’entendre, le rester est plus compliqué. Pour cela, il doit passer par une éducation de qualité pour tous. La mixité sociale doit être un levier de la réussite scolaire de TOUS les élèves.
Qu’est-ce que l’indice de statut social scolaire et universitaire et comment est-il calculé ?
L’indice de position sociale (IPS) d’un établissement correspond à l’IPS moyen de ses étudiants, calculé principalement en fonction des catégories socioprofessionnelles et des diplômes des parents. Plus l’indice est élevé, plus l’étudiant est issu d’un milieu privilégié. Selon les données publiées par le ministère, en France l’IPS le plus bas dans les écoles est de 49,6, en Guyane. L’indice le plus élevé est de 155,6, à Buc dans les Yvelines.
Créé en 2016, l’IPS permet, selon l’Education nationale, de capter « le capital social, économique et culturel de la famille dans la relation de l’élève à l’école » et de mesurer le degré de mixité sociale de chaque école.
Considérant que plus l’indice est élevé, plus l’élève se retrouve dans un contexte familial propice aux apprentissages, l’administration en tient compte notamment lors de l’allocation des ressources aux écoles, universités et lycées. Pour tenter de compenser les inégalités.
Les chiffres IPS sont rendus publics pour la première fois. Le tribunal administratif de Paris a ordonné au ministère de l’Éducation nationale de transmettre ces données qui, dans un premier temps, avaient été demandées par un journaliste. Il demande l’accès à l’indice de statut social (IPS) de chaque collège et classe de CM2.
AA et DS