Quel avenir pour la collaboration entre marque et influenceur ?

Alors que les réseaux sociaux impactent de plus en plus notre quotidien, que l’industrie de l’influence se professionnalise de plus en plus, mais aussi que de nouveaux leaders d’opinion émergent et gagnent en maturité ; la relation entre les marques et lesdits influenceurs évolue indéniablement. Mais comment évoluent-ils ? Vers quoi ? La co-création est-elle le nouveau mot d’ordre de cette discipline ? Quel est l’avenir du marketing d’influence ? Pour le savoir, nous avons interviewé Juliette Faure-Geors, de l’agence Hungry and Foolish.
Entretien avec Juliette Faure-Geors, directrice associée des médias sociaux et de l’influence chez Hungry and Foolish Photo par : Hungry and Foolish
JUPDLC : Comment expliquez-vous l’essor du marketing d’influence ces dernières années ?
Juliette Faure-Geors : L’évolution du marketing d’influence a été incroyablement rapide au cours des deux dernières années pour plusieurs raisons. De toute évidence, l’utilisation croissante des réseaux sociaux, dopée par la pandémie mondiale et nos confinements qui ont suivi, a provoqué une explosion des inscriptions et du temps passé sur les plateformes. En effet, les créateurs de contenu avaient également plus de visibilité et attiraient donc les marques.
Une autre raison de cette expansion, dont nous avons pu faire l’expérience en direct depuis notre médiathèque en agence, est l’augmentation du coût de la publicité numérique plus traditionnelle. Par exemple, les CPM de Google et YouTube ont augmenté de 108 % entre 2021 et 2022. Facebook de 89 %, TikTok de 92 % et Snapchat de 64 %. Il est donc fréquent de voir des directeurs marketing, qui disposaient d’un budget digital ou social media & influence, donner une part plus importante à l’influence ces derniers mois, ce qui semblait plus rentable.
Cette augmentation des coûts a accéléré une croissance déjà rapide pour une dernière raison très simple : le marketing d’influence est efficace (pour ceux qui ont une bonne stratégie). Traackr et Digiday ont mené une enquête en 2021 auprès de plus de 100 spécialistes du marketing pour mesurer l’impact de ces campagnes. Plus de 60 % d’entre eux ont estimé que leurs campagnes d’influence ont généré un trafic et des résultats d’acquisition de clients meilleurs (26 %) ou au moins similaires (35 %) que les autres canaux. Ce qui me fait plutôt peur, c’est de voir que 22% d’entre eux ne savent pas évaluer le trafic et les clients générés par les campagnes de marketing d’influence.
Une pratique à encadrer rapidement, quand on verra que l’évolution du secteur ne va pas s’arrêter : HypeAuditor prévoit pour les prochaines années un marché de l’influence marketing qui devrait atteindre 22 milliards de dollars en 2025.
JUPDLC : Alors de plus en plus de marques se tournent vers la grippe. Par rapport à une autre industrie, comme la publicité digitale, comment le marketing d’influence peut-il être perçu par certains comme un choix d’avenir ?
Juliette Faure-Geors : Pour moi, l’influence et sa croissance rappellent un peu les débuts du marketing sur les plateformes sociales. Le nouveau utilise des stratégies de marketing déformées qui étaient quelque peu rigides jusque-là. C’est donc une opportunité pour les marques de communiquer non pas simplement à sens unique, mais plutôt à travers un marketing basé sur la conversation et le dialogue humain, à travers le créateur. Pour moi, c’est la grande différence entre la publicité digitale et l’influence, et qui fait de cette dernière un choix d’avenir. Lorsque la collaboration avec le créateur est pertinente, il y a une authenticité du discours et une émotion véhiculée que l’on ne retrouve pas dans une bannière publicitaire.
Le problème est qu’avec la croissance dont nous parlions plus tôt, de nombreuses marques se sont récemment tournées vers le marketing d’influence, le voyant comme un choix d’avenir, mais trop rapidement et sans construire les bases d’une stratégie saine et efficace. En misant sur la rapidité d’exécution de leurs plans d’influence, ils ont oublié le plus important : l’authenticité du message.
Cette intégration massive de l’influence dans les plans marketing a créé des pratiques déviantes, des dérives, des mauvais partenariats, non mesurés (voir les 22% qui ne savent pas mesurer leurs campagnes d’influence en 2021)… Ce qui génère une fatigue publicitaire chez les followers créateurs et une baisse des performances d’engagement pour les publications créées par les créateurs.
Crédit photo : Vogue Business / Traackr
Des baisses d’engagement visibles, grâce à l’étude menée par Vogue Business et Traackr en 2022 : alors que les collaborations rémunérées entre marques et influenceurs augmentent drastiquement au T3 et au T4 2021, l’engagement ne fait que baisser.
JUPDLC : Comment garantir, à plus ou moins long terme, l’équité d’une relation entre marques et influenceurs ? Comment être sûr que les intérêts de l’un ne priment pas sur ceux de l’autre ?
Juliette Faure-Geors : Chez Hungry and Foolish, nous pensons que le gros du travail reste à faire du point de vue du branding. Et ce, même si nous sommes persuadés que la meilleure façon de servir les intérêts des deux parties est de co-créer un projet ensemble, en retour. 4 de nos piliers pour faire respecter les intérêts de part et d’autre :
1 – Sélection
Les marques sont celles qui connaissent leurs valeurs, les messages qu’elles veulent véhiculer et leurs objectifs mieux que quiconque. A eux (en collaboration avec leur agence) de choisir les créateurs qui seront les plus pertinents pour leur projet. La sélection est fondamentale et constitue également une étape souvent sous-estimée dans les programmes de projets. C’est pourtant celui qui devrait prendre le plus de temps.
2 – L’échange
Pour nous, un créateur qui n’accepte pas de discuter avec la marque avant de démarrer un projet est un NO GO. Il est certain qu’il n’apportera aucune authenticité ni sécurité au contenu qu’il produira sous la marque. Les marques qui réussissent sont aussi celles qui intègrent au maximum le créateur dans le projet, sans le laisser tout faire. Et pourquoi pas, en lui offrant un salaire de base et en fixant des primes en fonction des résultats de la campagne. Nous fonctionnons ainsi pour certains de nos clients sur des cibles d’acquisition et les créateurs sont immédiatement beaucoup plus réceptifs aux messages et enjeux de la marque.
3 – Le cadre
La meilleure façon de s’assurer que tout va bien dans une relation est de l’encadrer dès le début. Ça a l’air terriblement bateau et pourtant ce n’est pas toujours comme ça pour tout le monde. Un projet cadré est un projet avec des objectifs clairs, quantifiables et donc mesurables. C’est aussi une liste détaillée des livrables : écrire, dans un contrat, les biens attendus pour un créateur, c’est bien mais pas suffisant, car la plupart d’entre eux ne lisent pas les contrats. Préparez des guidelines, discutez des formats les plus pertinents et écoutez les influenceurs, ce sont eux qui connaissent le mieux leurs plateformes et leurs communautés.
4 – Rémunération
Les nerfs de la guerre… Une collaboration bien structurée est aussi une collaboration payée à sa juste valeur. Et c’est un point sur lequel le marketing d’influence a évolué ces dernières années, mais dont la croissance récente a, malheureusement une fois de plus, généré de mauvaises pratiques. Ces derniers mois, nous avons assisté à une augmentation très importante de la rémunération demandée par les créateurs car ils ont profité des nouveaux venus dans le secteur, qui ont surpayé…