De l’«art sur ordonnance»: le blues et l’anxiété se soignent au musée à Montpellier

Le programme vise à faire sortir les patients de l’hôpital en « leur prescrivant l’art ». Pour ce faire, elle propose « des parcours artistiques d’un mois, mêlant visites d’expositions et ateliers de pratiques artistiques ».
Le blues et l’anxiété peuvent être soignés au musée. Sous les hauts plafonds de l’ancienne école de pharmacie de Montpellier, transformée en centre d’art contemporain, André, Kevin et Ambre travaillent la terre sous l’œil attentif d’un artiste. Aiguillés par leur psychiatre, ils participent à un programme pilote « art sur recette ». D’âges et de parcours de vie très différents, mais avec des épisodes dépressifs ou anxieux en commun, ces trois patients, suivis par le service des urgences et post-urgences psychiatriques (Dupup) du CHU de Montpellier, ne s’intéressaient pas jusqu’ici particulièrement à l’art. . Mais ils ont tout de même respecté ce traitement particulier à la lettre, l’espace de quelques semaines. Pour Mo.Co, le centre d’art contemporain de la ville, et le service de psychiatrie du CHU, la « conviction » est partagée : il y a « un besoin urgent de sensibiliser le public aux bienfaits de l’engagement artistique pour la santé mentale », insiste-t-il. Prof. Philippe Courtet, du CHU de Montpellier.
Inédit en France, ce projet, inspiré d’expérimentations menées en Belgique, au Canada ou au Royaume-Uni, a pour ambition, « de faire sortir les patients de l’hôpital en prescrivant de l’art », ajoute le professeur. « Libre, énormément libre », confie en souriant Ambre Castells, une lycéenne de 17 ans, versant de la paraffine dans un moule en argile : « Quand je suis ici, c’est comme tout ce qui peut potentiellement me faire mal démarrer. » Kevin Gineste, 23 ans, a vu son « anxiété naturelle s’apaiser ». « Tu peux aller voir des psychologues, mais le mieux c’est de faire les choses avec tes mains, d’exprimer ce que j’ai au fond de moi », dit-il, heureux. d’avoir rencontré « des gens avec le même genre de problèmes » et désormais prêts à « aller plus souvent au musée ».
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Rompre l’isolement
« C’est un laboratoire autour de matériaux souples et malléables, qui se déforment et passent d’un état solide à un état liquide au contact de la main. Cela permet de s’immerger dans l’expérience », explique l’artiste plasticienne Suzy Lelièvre en regardant. A leurs côtés, vêtu d’un tablier blanc pour ne pas se salir, André Broussous, 60 ans, se réjouit d’avoir « amélioré » cette fois sa « façon d’utiliser (ses) mains », après avoir été initié dans l’année à l’expression corporelle, sous l’égide de la danseuse Anne Lopez. « La chorégraphie m’a donné l’art de m’intégrer dans un groupe, ce qui n’était pas facile au début, ainsi qu’une plus grande confiance dans ma façon de m’exprimer, de bouger », se souvient-elle.
« Les troubles de santé mentale, comme la dépression, entraînent un isolement social et un manque d’estime de soi, que le fait d’être en groupe aide à briser », souligne Philippe Courtet, lui-même passionné d’art contemporain. « Ici ce ne sont pas les artistes qui vont vers les malades, mais les malades qui vont au musée, rencontrent les artistes et entrent dans leur univers », insiste Elodie Michel, autre experte en psychiatrie au CHU.
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En 2022, ce programme concernait trois groupes d’une dizaine de patients. Au programme : des voyages artistiques d’un mois, mêlant visites d’expositions et ateliers de pratique artistique. A chaque séance, ils étaient accompagnés d’un étudiant en beaux-arts et d’un interne en psychiatrie, notamment en charge de l’évaluation scientifique du projet. Entièrement gratuit pour les participants, « l’art sur recette » est financé par le Mo.Co, la Régie régionale de santé, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac), ainsi que par la Ville et Métropole de Montpellier, qui a dans son sein ses murs est la plus ancienne faculté de médecine au monde encore en activité. « Nous espérons que ce programme (pourra) être étendu à tout le monde et remboursé par la sécurité sociale », plaide la directrice de Mo.Co, Numa Hambursin, notant qu’au Canada, les médecins traitants peuvent déjà prescrire jusqu’à 50 visites de musées par an à leurs patients. .
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