En Afrique du Sud, l’exigence d’un choeur métissé de garçons

AFP, publié le mercredi 21 décembre 2022 à 08h40
C’est une chorale arc-en-ciel qui se double d’un internat qui accueille des enfants de tous horizons : le Drakensberg Choir, qui se produit dans le monde entier, est niché dans l’un des plus beaux paysages montagneux d’Afrique australe.
La singularité de cet ensemble est qu' »il s’appuie sur la musique comme vecteur de mobilité sociale, de réussite scolaire, de construction de la personnalité, dans un pays miné par la question raciale », résume le professeur Pitika Ntuli, 80 ans, historienne de l’art.
En cette fin d’année, ces 9-15 ans, en chemises repassées, jabots de dentelle sur gilets bleu roi, répètent Gloria de Vivaldi dans un auditorium, en amont de leurs premiers concerts de Noël depuis la pandémie de Covid.
La vue imprenable sur la majestueuse chaîne du Drakensberg, qui forme la frontière avec le Lesotho voisin, se fond dans une mer de nuages à l’horizon.
« L’école est magique, son emplacement est magnifique. Chanter dans ces montagnes tous les jours, c’est incroyable », s’émerveille Nicholas Robinson, 14 ans, en veste noire sur une pelouse bien entretenue.
Ethan Palagangwe, de Mitchells Plain, une banlieue infestée de gangs du Cap, est un autre élève du pensionnat sur un domaine de 40 hectares.
Le jeune de 12 ans a reçu une bourse parmi 1 600 candidats qui ont auditionné, grâce à sa mère qui a répondu à une annonce dans un journal local.
Fils d’un policier et d’une chanteuse, le garçon au visage rond sourit en se remémorant ses humbles débuts en famille. A huit ans, « je chantais tout le temps, j’adorais le karaoké ».
Aujourd’hui, il est l’un des musiciens les plus accomplis de l’école. Son éducation est financée conjointement par ses parents et ses donateurs via un programme de financement participatif appelé « back-a-buddy ».
– « Devenir un homme » –
Le répertoire est également unique : du classique au pop, en passant par les chansons traditionnelles sud-africaines, afrikaans et zoulou.
« C’est la seule au monde, de ce niveau, qui chante tous les genres », assure son chef d’orchestre Vaughan van Zyl, en s’essuyant le front moite entre deux répétitions. « Donnez à ces enfants des chansons africaines d’autres pays, de la musique sacrée, profane, ils peuvent tout faire. »
Inspirée du Vienna Boys Choir, l’institution, qui a chanté pour Nelson Mandela, a été créée il y a 55 ans pendant l’apartheid. Elle compte aujourd’hui 70 chanteurs de toutes les couleurs de peau.
« Nous y entendons les voix de l’arc-en-ciel », déclare le professeur Ntuli, faisant référence à la nation métisse réconciliée invoquée par Desmond Tutu.
Lulo Dlulane, 11 ans, récemment arrivé, rêve de devenir compositeur. « La musique est un langage qui unit », dit-il. Sa mère Lungelwa, une médecin mélomane de 39 ans, se souvient avoir entendu parler de la chorale lorsqu’elle était lycéenne. Elle a « supplié » d’avoir un fils, afin qu’elle puisse l’envoyer là-bas.
Après les chansons, le refrain se transforme en douceur en une » wellington boot dance « , une danse de la botte wellington percussive inventée en Afrique du Sud par les mineurs pour échapper à la corvée de leur labeur.
« C’est le côté groupe de nos garçons », plaisante le chef d’orchestre. « On passe d’une chanson classique à cette chorégraphie entraînante.
Khwezilomso Msimang, 15 ans, mène la danse. Sa mère Bongi, stressée d’y envoyer son fils unique, dit aujourd’hui que « c’est un endroit où les garçons deviennent des hommes ».
Combiner les frais de scolarité avec deux heures de musique par jour est un défi. « C’est ce défi qui leur apprend à devenir résilients », explique le réalisateur Dave Cato.
Le baryton William Berger, un Sud-Africain blanc de 43 ans déscolarisé, mène une carrière internationale dans l’opéra. Ce qui distingue, selon lui, ce chœur, c’est son « son plein, très africain », qui tranche avec le côté parfois maigre des chœurs européens.