Gabriel Tacchino, fleuron du piano français, est mort
« L’école française a un enfant de plus dont elle doit être particulièrement fière », prophétisait le critique et musicologue Claude Rostand le 14 mars 1957 dans Le Monde à propos du jeune Gabriel Tacchino. Il perd aujourd’hui un artiste confirmé : le pianiste est décédé dimanche 29 janvier à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), à l’âge de 88 ans. Sa technique, souple et puissante à la fois, d’une sûreté irréprochable, sa simplicité et sa rigueur, la richesse d’un lyrisme intérieur peu soucieux des effets, son naturel et son goût ont valu au musicien de nombreux éloges, une copie d’artiste.
Le musicien est né à Cannes (Alpes Maritimes), le 4 avril 1934, dans une famille d’origine italienne. Son père, tailleur, jouait du violon et lui a inculqué l’amour de la musique. Il s’initie au solfège sous la tutelle d’un voisin qui l’initie également au piano, jusqu’à son entrée au Conservatoire de Nice dans la classe de Simone Delbert-Février (1912-1988). De 1947 à 1953, il est au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où il travaille avec Jean Batalla, Jacques Février, Marguerite Long et Francis Poulenc.
Dès sa sortie, le jeune Tacchino remporte de nombreux concours internationaux : prix au concours Viotti à Vercelli en 1953, Ferruccio Busoni à Bolzano en 1954, au concours de Genève en 1955 (ex aequo avec Malcolm Frager), puis, à Naples, à la Casella en 1956 Alors que le jeune homme se prépare dans la salle San Pietro du conservatoire napolitain, il est observé par un garçon de 8 ans qui prédit sa victoire : Riccardo Muti, avec qui il fera ses débuts au Berlin Philharmonique. Entre-temps, le pianiste est remarqué par Karajan après une audition à La Scala de Milan.
Création de deux festivals
L’année 1956 devrait être marquée d’une pierre blanche. Gabriel Tacchino vient d’interpréter le Concerto pour piano n. 3 de Prokofiev à Monte-Carlo lorsqu’il retrouve dans sa loge le compositeur et pianiste Francis Poulenc (1899-1963), qui le félicite avant de l’emmener dîner au Majestic à Cannes. Les deux se connaissaient par l’intermédiaire de Jacques Février (1900-1979), ami d’enfance de Poulenc, mais c’était le signe d’une longue amitié, nourrie de nombreuses séances de travail, tantôt à Cannes, tantôt à Paris ou à Noizay (Indre-et- Loire), dans la propriété tourangelle du compositeur. Le pianiste recueille une mine d’informations et d’indications, qu’il enregistre et annote soigneusement dans ses partitions. Lorsque Pathé-Marconi présente un piano intégral de Poulenc, c’est tout naturellement qu’il est confié à son pianiste fétiche.
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