« Je me suis bien amusé ! » : Nadau fête ses 50 ans de carrière au Zénith de Pau

Vos trois concerts au Zénith en novembre affichent complet. C’est pourquoi vous avez proposé une quatrième nomination en février 2024. Cinquante ans plus tard, comment expliquer que le succès de Nadau ne faiblisse pas ?
Je me suis toujours demandé. Je pense que les gens viennent parce que notre musique parle d’eux. Il y a beaucoup de chanteurs qui font rêver les gens de ce qu’ils ne sont pas, nous les faisons rêver de ce qu’ils sont. Ce sera aussi parce qu’on n’a jamais été à la mode… Mais on commence à devenir à la mode, ça sent le sapin ! (des rires)
A trois reprises (2000, 2005 et 2010) des trains ont été spécialement affrétés pour assister à vos concerts sur la scène de l’Olympia. C’était toute l’Occitanie qui montait à Paris. Comment l’avez-vous vécu ?
C’est à la fois un privilège et une énorme responsabilité de voir des gens qui descendent des montagnes, partir de Montréjeau (31), Lourdes (65), Dax (40), embarquer dans la bande avec des rations de survie. Quand ils sont arrivés à Olympie c’était extraordinaire parce que je pouvais chanter le yearbook, c’était pareil ! Je serai toujours fier de les avoir fait rire, pleurer. Pour apporter du bonheur.
Le groupe Nadau s’apprête à fêter ses 50 ans, au Zénith de Pau le 20 janvier 2023. Le chanteur Michel Maffrand.
David Le Deodic/ « SUD OUEST »
C’est à la fois un privilège et une énorme responsabilité de voir des gens qui descendent des montagnes, quitter Montréjeau, Lourdes, Dax, embarquer la fanfare et arriver à L’Olympia avec des rations de survie.
Nadau c’est aussi plein d’entraîneurs de rugbymen qui chantent des poèmes…
Un jour, une deuxième ligne m’a dit : « La chanson « Mon Dieu, je suis à l’aise » est la seule qui puisse faire reculer une mêlée de 900 livres ! Ce chef-d’œuvre de la poésie savoyarde, dont les paroles ont été écrites il y a trois siècles, utilise des images très populaires. Les gars de 2 m de haut, tirez-leur dessus !
En 1996, pour le deuxième Zénith, Nadau est accompagné d’un ensemble classique avec l’Orchestre de Pau, dont Serge Lecusssant signe l’adaptation musicale. C’est la rencontre de la chanson bernoise avec la grande musique…
Il y a eu une rencontre avec des gens qui ne connaissaient pas une note de musique – dont moi et toutes les chorales qui étaient pharmaciens, agriculteurs, maçons – et d’autres qui y ont pensé toute la journée ! Les chœurs ont apporté leur spontanéité et notre langue a été nommée d’après le premier violon. Cette magnifique rencontre a donné une majesté à la musique bernoise.
Depuis ses origines, Nadau a défendu une culture et une langue. Diriez-vous que vous avez réussi à sortir la musique occitane de son image folklorique ?
Je n’ai jamais renié les bergers, j’ai même écrit des chansons sur ce sujet, car pour moi le berger est sacré. Malgré le découragement, je suis très content d’avoir continué car il y a de l’espoir avec les calandretas, les écoles bilingues et la Ciutat [ cité créative de la culture béarnaise, installée dans un quartier de Pau, NDLR]. Il y a une volonté d’arrêter de reculer et de dire : « Nous sommes ce que nous sommes ».
Devant le Zénith de Pau, lieu symbolique pour l’artiste.
David Le Deodic/ « SUD OUEST »
Un jour, une deuxième ligne m’a dit : « La chanson « Mon Dieu, je suis à l’aise » est la seule qui puisse faire reculer une mêlée de 900 livres ! »
Nadau, commencé en 1973 avec trois musiciens, c’est aussi une aventure collective…
Avec les musiciens qui sont là depuis des décennies, nous avons tout partagé : les sound systems qui ne marchaient pas bien, les repas difficiles, la rue… Et ils ont toujours la même joie d’être sur scène. Beaucoup de musiciens essaient de prouver qu’ils jouent bien, ils essaient de bien jouer. Nous n’avons pas de production, pas de tourneurs – nous faisons tout nous-mêmes avec notre propre équipement. Nous avons 68 ans, autonomes et indépendants. Heureusement, nous n’avons jamais signé avec Warner, nous finissons par tout court-circuiter – c’est direct du producteur au consommateur !
Pendant trente ans, vous avez enseigné les mathématiques à Arthez-de-Béarn tout en jouant votre propre musique. Comment voyez-vous ce voyage ?
Je suis dans un moment où nous regardons en arrière. J’ai apprécié. Et je sais que nous avons semé beaucoup de choses. Mes neveux parlent bernois avec moi, ils ont aussi un groupe. J’en suis très fier.
Vous dites que vous êtes plus photographe que poète. Si vous deviez photographier vos 50 ans de carrière, ce serait quoi ?
Le jour où j’ai trouvé une phrase qui disait : « Nous sommes du pays de ceux qui nous ont aimés. » Je pense que ce pays pourrait être un chemin de terre, une caravane, une cabane… Il n’y a pas d’échappatoire, c’est fondamental.