Les 15 meilleurs disques venus d’ailleurs en 2022

La quinzaine d’albums sélectionnés ici sont le fruit d’un bras de fer qui n’a rien à voir avec les chiffres d’audience. La passion a ses raisons, voici les nôtres. Le choix de Sylvain Cormier et Philippe Renaud.
1. M. Morale The Big Steppers, Kendrick Lamar
Déjà au sommet de la pyramide du rap mondial, Kendrick Lamar la rejoint avec un album concept ambitieux, moins en ce qui concerne l’esthétique musicale (plus dispersée que son classique To Pimp a Butterfly) qu’en ce qui concerne les thèmes abordés, qui vont des droits civiques au toxique masculinité, à la tolérance des différences qui ne doivent plus nous séparer. Confessionnel, intimiste, le MC affiche une vulnérabilité jusque-là inédite, le tout servi avec la verve experte qu’on lui reconnaît. (RP)
2. Dragon New Warm Mountain Je crois en toi, grand voleur
L’auteure-compositrice-interprète Adrianne Lenker et ses collègues de Big Thief nous ont offert le premier coup de cœur musical de 2022, sur disque et sur scène (d’Olympia en avril, après un hiver confiné). Quelle bête ce Dragon, un double album fourmillant de gros refrains et d’idées musicales ingénieuses ! Big Thief provoque la collision entre la musique roots américaine et le rock indépendant ouvert aux sonorités électroniques ; Lenker s’y confirme comme l’un des grands fleurons de sa génération, tout comme Jeff Tweedy pour Wilco. (RP)
3. Motomami, Rosalie
Présentée comme le journal intime de cette musicienne devenue une star mondiale dans la foulée du succès de son deuxième album, Motomami étonne par l’ampleur de ses influences musicales, allant des plus pop (reggaeton rare sur Chicken Teriyaki) aux plus expérimentales ( précieux album de seconde moitié). Rosalía l’audacieuse, la voix dorée (touchant Delirio de Grandeza) accomplit ce que trop peu d’artistes de sa stature osent : repousser les limites de la pop et inviter ses fans à ouvrir leurs oreilles à l’au-delà musical. (RP)
4. Génial, Angel Olsen
Il prend le cœur, de la première à la dernière note douloureuse et libératrice : les bouleversements de la vie d’Angel Olsen se font sentir, ils résonnent. Sa pandémie a été plus que mouvementée : elle a perdu ses deux parents, l’un après l’autre, peu de temps après leur avoir présenté son partenaire et s’être révélée queer. Entre le deuil et les conséquences, il chante son désordre brutal et la douceur d’un grand calme enfin retrouvé. C’est l’album du voyage de la culpabilité à l’acceptation. « Je ne peux pas dire que je suis désolé quand je ne me sens plus aussi mal. (SC)
5. Et dans le noir, Hearts Aglow, Weyes Blood
Mélancolique dans le son, lucide dans le sujet, la Californienne Natalie Mering avait ressenti le besoin de travailler sur une trilogie inspirée par le « sentiment de catastrophe imminente », dont And in the Darkness, Hearts, avant même l’arrivée de la pandémie. partie. Sa voix veloutée hante It’s not Just Me, It’s Everybody en ouverture, la cadence lente bercée par des accords de piano et des refrains aériens en contrepoint d’une de ces mélodies lancinantes dont elle a le secret. (SC)
6. Natural Brown Prom Queen, archives du Soudan
Chanteur, rappeur, compositeur et violoniste de formation classique, Sudan Archives (Brittney Denise Parks) est en quelque sorte la version américaine du brillant britannique Little Simz, ce deuxième album bousculant lui aussi les conventions de genre, mêlant pop, électro, soul, rap, gospel. Natural Brown Prom Queen est l’album révélation de ce musicien plein d’esprit et élastique qui nous offre un voyage musical époustouflant en 18 chansons captivantes. (RP)
7. Une lumière pour attirer l’attention, sourire
Est-ce vraiment fini avec Radiohead ? Si c’est le cas, The Smile n’est pas une triste alternative. Le trio de Thom Yorke, Jonny Greenwood et le batteur de jazz Tom Skinner (Sons of Kemet) ont conçu un album plus grand que la somme de ses parties, dans lequel les préoccupations de Yorke s’expriment dans un mélange d’indie rock, d’afro-jazz et d’expérimentation électronique, dans ce qui a été unanimement appelé le meilleur projet parallèle de Radiohead. Un album live vient de sortir, enregistré en juillet dernier au Montreux Jazz Festival. (RP)
8. Peur de l’aube, Jack White
Canons contre canons, ce n’est pas un hasard si cet album solo comporte de nombreux White Stripes dans les lignes de bistouri et au chant dans l’aigu. Nous avons besoin de ces armes familières, il faut y croire : les secousses saluent les vilaines bêtes. Même lorsque le rap de Q-Tip s’en mêle, nous sommes franchement des enfants des Who et du T. Rex. Morning, Noon and Night est un rock funky à la Prince, Shedding my Velvet donne vie à Led Zep. Etc. Bang, double bang. Premier de deux records cette année pour Unleashed Jack. (SC)
9. Ghost Song, Cécile McLorin Salvant
La qualité de l’interprète n’est plus à démontrer, ce qui saute aux oreilles dès l’ouverture de ce sixième album, lorsqu’il s’approprie rapidement le magnifique Wuthering Heights de Kate Bush, a capella jusqu’à ce qu’émerge une ligne de basse électrique. Ce que Ghost Song démontre cependant, c’est l’imagination vive et fertile du musicien, qui fait exploser timbres, textures et rythmes dans cet album traversé par les thèmes des fantômes et de la nostalgie. (SC)
10. Chloë et le XXe siècle à venir, Père John Misty
En 1968, The Turtles Present the Battle of the Bands est apparu. Le groupe folk-rock s’était prêté à 12 incarnations, censées être des caricatures, mais qui n’en étaient pas tant : c’était plutôt une permission de se déployer sous toutes les facettes possibles. Grand art! Le projet du père John Misty est un peu trop : une fresque à 360 degrés, un tournant de siècle improbable qui va bien au-delà de la musique, pourtant vaste dans l’esprit, des quinze albums lancés sous divers noms en 20 ans par Joshua Tillman. (SC)
11. Fossora, Bjork
L’album « post-pandémie » de Björk nous sert de débouché. Sauvage ? demander? Parfois oui, mais jamais hermétique, l’icône pop d’avant-garde qui retrouve le plaisir de faire danser des rythmes en les habillant d’orchestrations savantes où se réjouissent chœurs, cordes et sonorités presque industrielles, comme si tous les êtres de sa biodiversité musicale luttaient ensemble pour leur survie. Le parcours de l’Islandais est un exemple de constance et de recherche de pertinence. (RP)
12. Terre, Sault
Nous avons choisi l’album Earth pour ses accents rythmiques traditionnels africains, mais franchement nous aurions pu choisir n’importe lequel des cinq autres albums que Sault a lancés en 2022. Le mystérieux collectif mené par le compositeur et réalisateur Inflo (signant plusieurs chansons du tout nouvel album Little Simz) cartographie les genres musicaux de la tradition afro-américaine, sa soul, funk, rap, gospel et house apportant avec elle un message socialement et politiquement engagé. (RP)
13. Consolation,…