Musique

Patrick Bruel chante le temps qui passe et la planète en danger

Patrick Bruel à La Baule (Loire-Atlantique), le 24 juin 2021. LOÏC VENANCE / AFP

A nouveau, dixième album studio de Patrick Bruel, 63 ans. « La recette du succès ? Je ne la connais pas, je ne prémédite jamais, je repars. » Seize chansons liées par l’enthousiasme, la cohérence, la convivialité, et juste ce qu’il faut de rythmes et d’arrangements faits maison avec des pommes (le grand secret), tempérer l’angoisse – le temps qui passe, les dangers de la vie, la planète.

Encore une fois, mot d’amour, câlin, chute et espoir. Titre d’un célèbre séminaire du bon docteur Lacan : Encore (1973). Seize scènes pleines d’élan, conseils aux jeunes poètes, mémoire nécessaire, au rythme des rythmes house… Farandole sur le grand carrousel de la vie, main dans la main, mène à nouveau la danse. Nous l’avons déjà dans nos oreilles.

Couverture simple : photos et graphismes (Poncharra, Connault), sobriété, demi-teintes, faux-fuyants, reflet déjoué, tout sonne vrai sous les faux airs de Magritte… Bruel, justement, le 22 novembre, revient de Bruxelles. Au Terminus Nord, la brasserie de la gare : « Dès mon arrivée, ils m’ont emmené au musée Magritte… Super, je connaissais quelques tableaux, bien sûr, mais là… Puis l’accueil du public m’a surpris. Il ne voit pas de chansons plus fortes, moins de chansons, j’attendais ça depuis si longtemps. D’un bon pas, il fonce à deux cents à l’heure vers le tableau 6, qui lui convient le mieux.

Seize titres

Directeur artistique sans hésitation (« le leitmotiv c’est moi »), très conscient, Bruel sait confier son autobiographie aux autres. C’est la connaissance : « La voix est la signature. Ainsi, invité à bord de l’album avec le chanteur Hoshi, Mark Weld lui propose un texte. Bruel s’y reconnaît à cet instant. De Weld lui-même, Lettre à la con : lettre d’un enfant malade, adressée à son « crabe ». Une petite valse, un charmant rigodon dans le refrain, change tout. La musique change tout.

Ça coule, ça se déroule, ça dérive (Dance for me), soudain ça sonne tragique. Un extrait de la dernière lettre de Manouchian à Mélinée, écrite quelques heures avant le spectacle, disait à haute voix : « On ne pouvait pas chanter là-bas. « Suivez les propos de Paul Ecole, fidèles parmi les fidèles, comme Romain Didier ou Félix Gray (Ce monde). Certes, Manouchian, Aragon et Ferré, L’Affiche rouge… Paul Ecole et Bruel connaissent leur jeune public. Comment renouveler la mémoire sans récupération ?

Ça coule, se déroule, dérive, sonne soudainement tragique

Dans le taxi, un spécialiste de la radio : « Les jeunes ne s’intéressent pas à la politique, bla-bla-bla… Ils ne lisent plus… » Bruel : « Au contraire, ils amènent des sujets centraux à le tableau, l’écologie, les épidémies, les migrants, il faut impérativement en parler [On en parle, paroles et musique de Bruel] . Mes chansons parlent mieux que moi. Moi, si j’en parle, je paraphrase. On peut citer la phrase de Bernanos qui épigraphe l’annonce de Jean-Marie Straub, réalisateur : « Quand je serai mort, dis au doux Royaume de la Terre que je l’ai aimé, plus que je n’ai jamais osé le dire. »

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