Musique

Serge Lama : «La chanson vit des temps moroses»

L’interprète de « Je suis malade » est à l’honneur d’un documentaire de Mireille Dumas, diffusé ce vendredi sur France 3. Une interview d’un des derniers monstres de l’émission de variétés française.

Dans la galaxie de la chanson française, Serge Lama tient une place à part. Auteur prolifique, interprète d’amours contrariées (Je suis malade), de la vie de Napoléon (comédie musicale à succès dans les années 80) ou de l’esprit français (Les petites femmes de Pigalle) et bavard, il a traversé cinquante ans de culture populaire. L’homme de scène a pris sa retraite en décembre dernier avec un dernier album (Aimer). Dans un excellent documentaire diffusé ce vendredi sur France 3, Mireille Dumas retrace les 50 ans de carrière de cet artiste qui, malgré sa retraite musicale, fourmille de projets.

LEFIGARO.- Mireille Dumas et France 3 vous dédient ce vendredi un documentaire intitulé « La vie à la folie ». Malgré votre accident de voiture en 1965, les coups durs et les ralentissements, vous avez toujours cru en la vie. C’est quoi ton moteur ?

Serge LAMA.- C’est l’angoisse et la peur après mon accident de voiture qui m’ont forcé à me dépasser et à me multiplier dans un certain sens. Je suis presque devenu quelqu’un d’autre. Je devais être plus fort que la vie. C’est aussi pour ça que j’arrête car il y a un moment où la vie est plus forte que toi. J’ai vu des chanteurs s’arrêter trop tard. On a vu des choses sur scène qui étaient très regrettables. Je ne voulais pas que ça m’arrive et chanter assis comme Charles Trenet.

Votre dernier album est assez optimiste, pour son dernier album Michel Sardou parlait d’euthanasie, vous évoquez l’amour…

Je ne sais pas si je suis optimiste, mais c’est un album sur l’amour au sens le plus large du terme. « Tomorrow is ours » est un ovni qui illumine le disque et peut donner une saveur particulière. Je voulais laisser ça à mon public, d’autant plus que je n’ai pas pu me produire sur scène à cause du Covid. Michel n’a pas le même tempérament. Vous savez, j’ai beaucoup parlé d’amour dans ma carrière. Et quand on est chanteur, on finit toujours par chanter la même chanson, mais différemment. On chante toute notre vie Les Ballons Rouges, Aventures dans l’aventure. Ce sont toujours les mêmes thèmes car ce sont eux qui vous habitent.

Le documentaire revient sur plus de 50 ans de carrière. Comment voyez-vous ces cinq décennies passées sur le devant de la scène ?

J’ai eu beaucoup de chance. Car malgré la force et l’ambition, il est encore risqué de réussir dans ce métier. Il y avait des gens que j’ai vus commencer et je pensais qu’ils allaient gravir les échelons. Ils ont disparu aussi vite qu’ils sont arrivés. D’autres ont fait carrière alors que je n’y croyais pas. Ce travail n’a aucune logique en dehors du travail et de la volonté.

Mireille Dumas pointe du doigt votre paternité, trop longtemps oubliée…

Mettez le doigt sur ce qui fait mal : nous n’avons pas parlé du chanteur ou du phénomène Lama à l’époque ; mais ce qui a été discuté dans les salons, c’était la qualité des textes, ce qui n’était pas ce à quoi nous nous attendions. J’étais un chanteur de théâtre, écrivant pour interpréter ces chansons devant un public. La scène est un combat. Je menais ce combat 300 dates par an. Il fallait que mes chansons tiennent la route, c’est la bonne expression. La scène est la chose la plus importante pour un artiste. C’est une façon de s’exprimer et de réinterpréter des chansons que le public connaît par cœur. Sur scène, je me suis détaché des chansons de l’album. Chaque soir, il y avait une âme différente et vous devez chanter pour cette âme.

Sardou, Mitchell, Hallyday… Où en êtes-vous dans la galaxie des chanteurs populaires ?

Il n’a aucun lien de parenté : Eddy est un rockeur, Sardou le chanteur le plus populaire avec Johnny. Je suis resté sur une ligne de crête. J’ai tracé mon chemin avec un seul objectif : la langue française avant tout. Je n’ai jamais été influencé par les anglo-saxons.

Est-ce que France 2023 a un bon climat pour écrire ?

Il ne semble pas facile de créer aujourd’hui. On ne peut pas en dire plus. Il y a un climat d’angoisse car quand on dit des choses on se fait agresser par 25 associations. On ne dit plus l’évidence, on fait ni-nor. Ce n’est pas dans ma nature d’y aller. On ne peut pas ralentir la plume à chaque virgule de peur de choquer.

La culture française est en train de disparaître. On voit arriver des auteurs qui ne connaissent plus les mots et leur pouvoir sur l’imagination ou le bonheur.

Serge Lama

On voit que la chanson peine à faire émerger de nombreux artistes qui parlent à toutes les générations. La variété française est-elle toujours populaire ?

Je ne sais pas comment répondre à cette question. C’est ce qui se passe dans l’industrie en ce moment, mais les choses peuvent redevenir comme avant. Deux trois suffisent pour se démarquer et relancer la populaire machine à chansons. La chanson vit des temps moroses depuis quelques années maintenant. Il y a le communautarisme culturel : chacun est dans son coin. Je remarque aussi que nous sommes à court de mots. La culture française est en train de disparaître. On voit arriver des auteurs qui ne connaissent plus les mots et leur pouvoir sur l’imagination ou le bonheur.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune chanteur qui entre dans le métier ?

Il doit trouver un bon partenaire musical et surtout il doit chanter en français. Mais aujourd’hui, si tu chantes en français, tu es banni de la radio. C’est la scène qui va donner une chance. Vianney et Julien Doré sont les seuls à rester à flot. Ils ont suivi cette bonne courbe. Je souhaitais que d’autres se joignent à moi et cela a créé un mouvement pour faire revivre la musique populaire.

Sur ton disque il y a une chanson très actuelle « Il pensionato » où tu écris : « Je me sens inutile ». Vous avez annoncé il y a quelques mois votre départ à la retraite. Vous reviendrez comme Sardou ou Polnareff…

Non, car je tiens mes promesses (rires).

« Serge Lama, la vie en folie », de Mireille Dumas. Vendredi 27 janvier à 23h10 sur France 3.

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