Zaho de Sagazan, nouvelle sensation de la chanson, se dévoile aux Trans Musicales de Rennes

Pas le genre pailleté. Sur scène à l’Open Air, pour la création très remarquée des Trans Musicales de Rennes, Zaho de Sagazan a opté pour une combinaison noire et un blazer beige unisexe qui lui donne des épaules carrées. Il y a différents chanteurs et aussi différentes époques en elle, mais ils restent les mêmes. Artiste intense et cohérent dont la puissance d’interprétation et la justesse sont d’abord préservées. Assise derrière un piano droit, éclairé par deux spots blancs minimalistes, elle évoque l’esprit et l’ambiance des cabarets Rive Gauche de la fin des années 1950 sur La Déraison. L’instant d’après, sur fond de lumières bleu nuit envoûtantes, un subtil effet de réverbération sur sa voix jette un voile sixties sur Je rêve. Puis, accompagné d’un batteur et d’un clavier souvent utilisé pour connecter et déconnecter les patchs du synthé modulaire – bel effet de scène : ils clignotent dans tous les sens – doucement mais sûrement ça devient electro.
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Des ambiances spectrales d’un Theremin à un beat techno plus flashy, en passant par les sonorités wavy et wavy des modulaires, le passage est fluide. Et toujours cette voix, puissante et libre de tout maniérisme. On comprend tout de suite que pour elle, l’amour n’est pas un pique-nique : « L’amour vendu aux plus sensibles / Par des putains vicieuses / L’amour qui nous fait croire que c’est elles / Que ça n’ira jamais mieux. » (The Sleepers).
En quinze chansons, la jeune fille en noir, concentrée et à l’aise – sauf quand elle s’embrouille en tentant de décrire la genèse de Tristesse – conquiert le public. Et nous avec. Les plus jeunes penseront à Stromae, pour cette façon de chanter des histoires tristes sur un ton incarné et presque martial sur fond de musique dansante. Mais sur un lit d’électro il y a surtout Pia Colombo (1934-1986), une grande chanteuse brechtienne, épique et détachée dans chaque syllabe, dans le Zaho orageux et profond.
D’où est ce que ça vient? Il y a un an, après des études de soft management à Nantes, Nazairienne était une parfaite inconnue qui travaillait comme assistante de vie dans une maison de repos quinze heures par semaine, consacrant le reste de son temps au piano et au chant. . Deux chansons virales sur Instagram, Sufficiently et La Déraison, la rencontre avec la productrice de l’émission Wart (Jeanne Added, Acid Arab, Arnaud Rebotini), un premier concert en octobre 2021 au Trianon à Paris en première partie de l’électro- Duo gothique Manfield. TYA, et enfin le prix Chœur Révélation des Hauts-de-Seine en avril dernier, ont suffi à le lancer.
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Rencontrée quinze jours avant le concert de Rennes, elle est aussi bien en ville que sur scène. Simple et direct, bavard et volontiers enjoué. Mais elle semble encore un peu gênée d’elle-même. « Je trouve le silence très beau, mais j’ai un gros problème avec ça », prévient-il aussitôt à une table d’une brasserie près de la gare Montparnasse. Ce « presque dernier-né », avec trois sœurs aînées et une jumelle, d’une mère journaliste dans Ouest-France et d’un père plasticien reconnu (Olivier de Sagazan), voudrait-il nous voler notre travail ? Il évoque le souvenir de Denise Glaser, intervieweuse du gratin de variétés françaises depuis la fin des années 1950 dans son émission Discorama. « Elle était si douée pour donner à ses interviews un rythme différent, loin des bavardages… »
Retour insolite à la télé en noir et blanc pour une jeune femme de 22 ans ! Et ce n’est pas un cas. Denise Glaser a reçu Brel et Barbara. Deux belles références « pour leur capacité à créer des images avec des mots simples ». Bien qu’elle aime la liberté de Janis Joplin et la synth-pop des années 80, avec l’Anglaise Anne Clark en tête, elle a toujours été attachée à la chanson « classique ».
Zaho de Sagazan mercredi soir.
Photo Ben Pi pour Télérama
Elle remercie les musiciens, Tom Geffray (batterie et synthétiseur), Alexis Delong (claviers et synthétiseur) et Pierre Cheguillaume (production et son), qui l’ont aidée à devenir chanteuse électronique. Une « évolution enfin naturelle », pour celle qui a toujours aimé danser la techno, dans les bars de Nantes, où elle vit, et jusqu’à l’emblématique club Berghain à Berlin. Mais a-t-on entendu L’Echarpe (1964) de Maurice Fanon ? Elle murmure : « Si je te mets autour du cou / En souvenir de toi / Ce souvenir de soie. C’est à ce genre de concision poétique qu’il aspire. Même si elle pense, sans fausse modestie, qu’elle en est encore loin. Malgré une certaine aisance et une maladresse stylistique, il s’en rapproche néanmoins dans son premier album à paraître en mars, La Symphonie des éclairs. Son rire franc et tonique, peut-être pas aussi détaché qu’il voudrait le paraître, résonne dans la brasserie. « Un disque où je parle essentiellement des douleurs et des sales manies de l’amour, des relations toxiques et du confinement, moi qui n’ai jamais été en couple ! Fanon a écrit L’Écharpe après avoir divorcé de Pia Colombo – enfin, encore une fois. Après ce premier concert réussi avec son groupe, la Sagazan traditionnelle-moderne a beaucoup à voir dans le futur en rose.