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Affaire Hanouna-Boyard ou la longue marche de l’homme diminué


L’L’état civilisé d’un pays reflète son harmonie et, parfois, son chaos. C’est l’une des leçons à tirer des récentes ébats impliquant un animateur télé et un député de La France insoumise. Depuis lors, ils se sont disputés pour savoir qui était le plus irrespectueux, comme deux clowns se disputant l’entonnoir pour en faire un chapeau. Même si, il faut bien l’avouer, l’un des protagonistes avait le mérite d’être « chez lui » et d’exercer son métier, et surtout de n’avoir jamais été payé par l’autre. Ce qui ne change rien aux conclusions de cette séquence, qui n’est pas un problème, mais un symptôme, qui n’a rien à voir avec l’envie de crier, mais avec la bêtise, qui finit par asphyxier ce qui relève de l’intelligence, à commencer par la gentillesse et la courtoisie.

Les manières n’ont pas été inventées pour plaire aux snobs. Leur fonction n’est pas seulement sociale, mais anthropologique. C’est pour pallier le rapport de force que les entreprises décident de communiquer selon un protocole de justesse. Les individus sont différents par nature. Tout en vivant ensemble, ils se disputent et s’opposent sur la base de croyances contradictoires. Cela provoque une forme de mécontentement qui peut conduire, à un certain moment, à l’expression de violences physiques. Or, la communauté humaine s’accorde plus ou moins à se distinguer de l’animal qu’elle domine et au-dessus duquel elle se considère.

Violence sociale, violence verbale

La fin du XVIIEt siècle a poussé ces principes à l’excès en imaginant une société où les maîtres auraient pour seule mission le raffinement, ce qui, poussé jusqu’à un certain point, confine à l’absurde, qui précède la décadence. Comme le rappelait Philippe Bausseant Même le Roi Soleil se lève, nous ne connaissons aucune colère de Louis XIV en public. De même, le film Le favori c’était un formidable tableau des conséquences d’un raffinement excessif à la cour d’Anne d’Angleterre. Le travail méprisé, l’oisiveté devient reine, et cela conduit inévitablement à une confrontation des énergies, à la brutalité, à un état de nature, c’est-à-dire animal. L’équilibre en la matière est nécessaire sous peine de découvrir ce que nous pensions combattre.

Le XVIIIEt siècle aura apporté la polémique dans les livres, mais aussi dans les salons où philosophes, écrivains, artistes, scientifiques, rhéteurs, confrontaient joyeusement leurs idées. Convaincus de l’avènement d’un monde dont ils ne connaissaient pas les détails, ne sachant pas encore comment en devenir acteurs, ils voulaient être les premiers à y participer, au moins intellectuellement et dans un premier temps. En attendant la Révolution, on discute. Cette délicieuse causerie prend fin à partir de 1789. La manière de communiquer change. La logorrhée remplace la précision ; l’invective, le carrousel ; avis, idées. C’était un peu vulgaire, mais probablement nécessaire. On ne bouleverse pas l’ordre social avec des grimaces, ni peut-être même avec des raisonnements. La violence sociale se traduit par des violences verbales avant d’éclater en bagarres.

Le début du XXIEt siècle ne fait pas exception à la règle. Combien de fois avons-nous entendu cet argument : la violence sociale est parfois pire que la violence physique ? Le mécontentement s’embrase et forme un tourbillon de vulgarité, justifié, dit-on, par la légitimité de la colère. Abaisser la décence ne vient pas avec impunité; et le filet de brutalité est imparable. L’individu est amoindri, perd peu à peu ses facultés de raffinement, oublie même, comme il sied à un animal, la parole.

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Comment voulons-nous, dans ces circonstances, pouvoir encore discuter ? La conversation est un espace de confrontation et de discussion, elle flatte l’ego et satisfait les désirs de pouvoir, elle se joue en public et à huis clos. Nous y puisons les preuves de notre humanité : familiarité, amitié, amour et parfois même régimes politiques. Les Britanniques s’en souviennent parfois mieux que nous. Dans Discussions et discussions (Discussions et discussions), dans un article publié en 1882, Robert Louis Stevenson écrit : « C’est à une certaine disposition, à la fois combative et courtoise, guerrière, mais pas querelleuse, que l’on reconnaît immédiatement le causeur. […] Je ne veux pas de papes doctrinaires mais de chasseurs à la recherche d’un élément de vérité. La civilisation n’est pas relative quand elle contribue au domaine de l’intelligence.

Emily

Emily (avec un Y), Verseau et dotée d'un pouvoir qui m'aide à dénicher les informations les plus secrètes de vos stars préférées :)

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