« On devient inévitablement un vieux con », estime Laurent Ruquier
jour J pour Hier Aujourd’hui Demain. Laurent Ruquier lance ce mardi à 21 h 10 sa nouvelle émission sur France 2. Dans cette émission coproduite avec Thierry Ardisson, qui commente les enregistreurs d’archives, l’animateur ouvre le débat sur quatre phénomènes de société qui font l’actualité. En l’occurrence : télécrochet, coupe du monde, prostitution et rêves d’ados. Comment ces sujets ont-ils été abordés hier ? Les téléspectateurs le sauront grâce aux images de l’INA (Institut National de l’Audiovisuel). Plusieurs personnalités seront alors réunies sur le plateau de l’émission pour en discuter.
Laurent Ruquier revient ainsi en première partie de soirée sur la deuxième chaîne après avoir laissé la deuxième partie de samedi soir à Léa Salamé, seule aux commandes de Quelle époque !« Je n’ai aucun regret ni remords », insiste l’animateur, qui s’est confié 20 minutes.
Comment vous est venue l’idée du format deHier Aujourd’hui Demain ?
C’est né d’une petite frustration… je sais télé enfants[émission diffusée chaque dimanche à 18h35 sur France 2] où l’on se replonge beaucoup dans les images du passé mais uniquement du point de vue du divertissement et devant des invités pour qui on recherche essentiellement des « casseroles ». Je me suis dit : « Si on pouvait faire ça aussi pour le disque, ça pourrait être intéressant. Après tout, l’actualité n’hésite pas de temps en temps à recourir à des images du passé pour commenter celles d’aujourd’hui. Mais, bien sûr, ils ne peuvent pas le faire pendant quarante minutes. C’est le principe même de l’émission, on utilise les images de l’INA pour voir ce que les Français disaient à l’époque, pour revivre les grands événements liés aux sujets abordés… On veut montrer qu’il y a eu des changements dans notre société à travers des images mais aussi à travers des débats de plateau.
Pourquoi est-il important de remonter le temps pour analyser les faits qui marquent la société d’aujourd’hui ?
D’abord parce que c’est parfois surprenant. Force est de constater qu’il y a des sujets sur lesquels les avis ont beaucoup changé et d’autres pas. Il y a des angoisses immuables. Par exemple, j’étais intéressé à aller voir la comédie musicale starmaniala semaine dernière… On remarque, voyant ce [Michel] Berger et [Luc] Plamondon il y a quarante ans, que les thèmes et les angoisses d’aujourd’hui étaient déjà ceux d’hier. Peut-être étaient-ils un peu visionnaires…
Est-ce votre façon de traiter certains mouvements, notamment aux États-Unis, qui voudraient cacher le passé ?
Oui je ne vous dis pas que je suis un grand fan de la société d’aujourd’hui avec tout ce qu’on peut dire sur la société numérique, discours devenu un peu plus libre et parfois trop… Je pense que forcément on vieillit péter et on pense toujours qu’avant c’était mieux. Mais pas si sûr… Par nostalgie, on a souvent du mal à se rendre compte que maintenant ce n’est pas si mal. Et ce n’était pas forcément mieux à une autre époque, même s’il y a eu sans doute des décennies plus favorables à la jeunesse ou à la création artistique par exemple.
L’émission sera présentée et réalisée en tandem avec Thierry Ardisson. Il confiait en février 2022 avoir partagé un « déjeuner de réconciliation » avec vous. Était-ce le point de départ de cette collaboration ?
Pas vraiment. Nous ne nous sommes jamais fâchés contre Thierry. Nous avons toujours déjeuné ensemble une ou deux fois par an. Mais nous n’avions pas travaillé ensemble depuis un moment. Même s’il a été trouvé Grosses têtes pour quelques spectacles il y a plusieurs années – je rêve en fait que tu revienne. Parfois, il est un peu comme moi, il fait des déclarations radicales. Je ne lui en ai jamais tenu rigueur. C’est quelqu’un à qui je dois beaucoup. J’ai une grande loyauté dans ce métier, quand il ne dépasse pas certaines limites.
Cependant, lorsque vous avez lancé Nous sommes en vievous avez fermé la porte à la production de l’émission car vous la considériez « trop clivante »…
Les choses sont beaucoup plus simples que cela et Thierry l’a compris lui-même. Je n’ai pas pu virer Catherine Barma comme productrice pour me retrouver samedi soir dans le même coffret produit par Thierry Ardisson… j’ai déjà des problèmes [il a été condamné en juin à verser 780.340 euros à Catherine Barma, décision dont il a fait appel] alors imaginez ce que cela aurait été. Ce n’est pas que j’ai refusé, c’est que c’était impossible.
Vous disiez récemment « être assez gâté à la télé pour partir quand ça ne va pas », c’est votre retour dans une deuxième émission sur France 2, quelques mois après votre retraite deNous sommes en vieest l’illustration ?
Oui, je me considère chanceux, je n’ai ni regrets ni remords. On a réussi à tenir une scène pendant dix-sept ans… Je ne me plains pas de ce que la télévision m’a donné. Sans compter que pendant huit ans j’ai dirigé un journal avec Nous avons tout essayéaussi bien que’Nous demandons juste de rire pendant trois ans… J’ai la chance d’avoir eu trois gros succès télévisés qui, je pense, ont marqué les esprits. Je n’ai jamais eu l’impression de posséder une boîte, donc si je sens que les gens veulent moins de moi, je la laisserai avec plaisir.
Doit-on en déduire que ce carré ne manque pas ?
Du tout ! (rire) La vie télévisuelle et artistique est faite de rebondissements et j’apprécie tellement les artistes que je produis que je me considère très gâtée. Ce n’est pas un spectacle de moins ou de plus qui change beaucoup pour moi…
La présentation du duo ne vous convenait pas. Vous vous retrouvez à nouveau seul à animer ce nouveau programme. Cela vous satisfait-il ?
Oui bien sûr. Je pense qu’il est toujours plus facile d’animer une émission soi-même. D’autant plus pour Nous sommes en vie parce que nous étions seulement en direct. Dans ce contexte, il y a une chose importante à gérer, c’est le temps. Ensemble c’est très difficile à faire, on est forcément frustrés car on travaille beaucoup, on ne peut utiliser que 10 à 20% de ce qu’on a préparé. C’était valable pour moi comme c’était valable pour Léa. Alors oui, je préfère définitivement m’animer. Cela ne m’a jamais empêché de partager mes émissions. J’ai toujours proposé de nombreux artistes qui sont aujourd’hui devenus des leaders dans leur domaine. Le dernier en date est justement Philippe Caverivière qui continue aujourd’hui avec Léa mais je suis fier d’avoir été le premier à le mettre à la télévision, au-delà de son rôle d’auteur.
Vous approchez des 60 ans. Toute votre carrière a mis en valeur ces jeunes artistes. Ne pensez-vous pas qu’une nouvelle génération d’animateurs pourrait également prendre le relais ?
Il y a. Ces dernières années on a vu arriver Cyril Féraud sur le service public, Cyril Hanouna sur C8, Camille Combal sur TF1… Mais c’est vrai que toute la difficulté est durable, pour reprendre la phrase de Michel Drucker qui est plus grand que moi [il a 80 ans] . Des animateurs apparaissent, il y en a quelques-uns, mais il en reste peu.
Y a-t-il un secret à cela ?
La recette est d’être publique. Mais comme la télévision attire de moins en moins de téléspectateurs, c’est de plus en plus difficile. On sait que c’est un média qui a vieilli et je ne sais pas si les jeunes le regardent autant. Un jeune animateur peut-il…