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Sylvie Testud : «J’ai une vie de rêve mais pas une vie de luxe»

Au plateau, Sylvie Testud incarne une épouse battue, sous emprise, qui se rebelle et tue son mari.

Pour l’actrice qui va exploser sur scène ce soir à 21 ans, c’est une journée stressante. Sa fille adolescente a une angine de poitrine sévère, elle attend le médecin des urgences. En vain. Il en appelle un autre en cas de sinistre avant de se précipiter au Théâtre de l’Œuvre.

Je ne peux pas faire un pas en arrière dans cette pièce. Car Valérie Bacot était brute et mettait toute son énergie à survivre.

Avec sa parka beige et son t-shirt Moschino vert pomme, Sylvie Testud arrive ponctuelle pour l’interview, pour le shooting, fluide et claquante dans son éternelle silhouette d’adolescente, visage lisse, sans maquillage. Souriant, il ne montre ni humeur ni impatience. D’autres montreraient leur agacement, troublés dans leur concentration, et on les comprendrait vu la performance scénique solitaire qui les attend.

Dans un quart d’heure, dans sa loge, Testud va s’habiller, mascara, rouge à lèvres. Je n’ai jamais vu une célébrité de son calibre sans maquilleuse. Sylvie est une fille qui se sent bien dans sa peau. Joyeuse, ouverte, curieuse, pleine d’énergie, brillante, prête à discuter de tout. Il n’y a pas de place pour la frustration dans sa vie. Pendant une heure et quart il incarne un personnage aux antipodes de sa nature. Valérie Bacot était une femme battue au quotidien, abusée, violée par un beau-père devenu son mari, son proxénète… et le père de ses quatre enfants ! Il a fini par tuer son bourreau.

Harvey Weinstein m’a regardé de haut en bas, m’a souri et s’est détourné. Je n’étais pas son genre !

Un terrible accident. « Tout le monde savait », voisins, famille, aide sociale, juge… et personne n’a rien dit. C’est ce qu’interprète Sylvie Testud dans un crescendo avec une ardeur vertigineuse. Un engagement physique et mental de folie. Il y revient tous les soirs, devant une pièce collée à son fauteuil. « Comment avoir raison, juste quand je suis en transposition ? Je ne peux pas faire un pas en arrière dans cette pièce. Car Valérie Bacot était brute et mettait toute son énergie à survivre. » Seule et avec cette résilience, elle s’est exprimée sur les plateaux, dénonçant l’indifférence générale.

Impossible d’éluder la question des femmes aujourd’hui. Proie immuable, si rapidement diminuée… Testud ne lui échappa que partiellement. « Je n’étais pas au courant de la promotion du canapé. Mais d’innombrables amies me l’ont dit. Avec Harvey Weinstein, par exemple, j’ai vécu la même chose que Valérie Lemercier : elle m’a regardé de haut en bas, m’a souri et s’est détournée. Je n’étais pas son genre ! Ou peut-être n’a-t-il pas perçu la faille. Avec les producteurs, pour monter mes films, je dois me battre plus qu’un homme. Je n’aime pas la séduction. Mais je vois que ça me prend vingt minutes de plus qu’un mec pour développer mes arguments. Prouver que j’ai autant de poids qu’un homme.

Au Théâtre de l’Œuvre, un décor raffiné pour un spectacle émouvant.

©DR

Pour ses débuts en tant que réalisateur, « Another’s Life », en 2012, il lui a fallu un an et demi pour lever les fonds. Mais son second, qui n’a jamais eu lieu, a été un cauchemar pendant bien plus longtemps : une trahison de la part des producteurs. « J’étais écrasé par la douleur. J’ai évacué le traumatisme en le racontant dans un livre, « C’est l’oeuvre qui entre ». L’écriture a guéri ma blessure. Paradoxalement, cette histoire vraie est devenue une comédie tournée par Diane Kurys, l’irrésistible « Arrêtez votre cinéma ! » avec Balasko et Zabou… et Sylvie qui incarne son rôle de grande ingénue. « Mais au lieu de deux producteurs manipulateurs et mesquins, nous avons créé deux fous. L’auto-ironie reste mon refuge.

Et son arme de séduction massive. Devi ascoltarlo riassumere le istruzioni per un rapporto di attrazione tra un uomo e una donna: « Non devi essere né troppo bello né troppo brutto, né troppo intellettuale, né troppo stupido, fagli sentire che è più intelligente , e basta! Metà del lavoro è fini ».

A 25 ans comme à 60 ans. On nous a souvent répété qu’après 40 ans on était hors marché ! Main! C’est une question d’énergie.

Sylvie Testud n’est pas une vampire, pourtant elle fait des ravages. Sans le savoir. Son côté pétillant, sa vivacité d’esprit, son humour font craquer. Après vingt-cinq années paisibles avec le père de ses enfants, elle a ouvert les yeux et s’est laissée conquérir il y a plus de deux ans et demi par un acteur aux origines proches de sa mère : « Nous avons des racines napolitaines ! ». Elle refuse de donner son nom mais… à l’époque, en 2019, la comédienne brillait au théâtre dans « Le Joyeux Stratagème » de Marivaux avec… un charmant Italien, Éric Elmosnino.

Piégé par les jeux de l’amour ? Je dis ça comme ça. Madame cultive la discrétion, comme à son habitude, mais reste intarissable sur notre conditionnement féminin. « Le poids de notre éducation demeure. Nous vivons dans la peur d’être seuls. A 25 ans comme à 60 ans. On nous a souvent répété qu’après 40 ans on était hors marché ! Main! C’est une question d’énergie. Moi, je découvre qu’on est quand même bons ! Aujourd’hui la situation est enfin en train de changer : à tout âge, quand elles s’ennuient, les femmes partent. N’hésite pas! »

De Sylvie Testud, qui incarne sur scène sa douloureuse histoire, Valérie Bacot (à droite) dit : « J'ai l'impression que Sylvie, c'est moi.  Nous avons la même façon de parler, les mêmes manières… »

De Sylvie Testud, qui incarne sur scène sa douloureuse histoire, Valérie Bacot (à droite) dit : « J’ai l’impression que Sylvie, c’est moi. Nous avons la même façon de parler, les mêmes manières… »

PARIS MATCH / © Patrick Fouque, Vincent Capman

A 51 ans, il a deux fils de 17 et 12 ans ; Ruben est un vrai prix de beauté, et Esther, une mini-Sylvie, le portrait craché. « Ils sont super, ils ont le sens de l’humour, on s’aime. Quand je me suis séparé, je ne leur ai pas laissé le choix. J’ai expliqué à chacun : ensemble ou séparément, vous avez toujours deux parents qui vous aiment et qui vous aimeront toujours.

Quand Paris est propre, ça tourne mal, eh bien c’est un lieu de liberté

Avis à ceux qui se sacrifient pour le bien des enfants. Une équation qui ne rentre pas dans la logique de ce bloc de sincérité ; elle a grandi sans père dès l’âge de 2 ans, entre sa mère et ses deux sœurs. Il a raconté dans « Gamines » ce clan féminin et ce parent abandonnant avec qui le rapprochement était impossible. La tribu vivait à Lyon, à la Croix-Rousse : « J’aimais le carrefour du quartier, espagnol, portugais, italien, yougoslave… Il n’y avait pas de disparités sociales. »

Brillant à l’école, apprendre le chinois. Impatient de rejoindre la capitale. Paris! Enfin une ville de sa taille. « Il y a toute une gamme de possibilités là-bas. Et quand la ville est propre, ça marche plus ou moins, ben c’est un lieu de liberté, tu peux la vivre comme tu veux, être qui tu veux. Dès que tu as la clé de ton appartement, tu es Parisien », se laisse-t-il emporter par ce vrai Parisien du cinéma, désinvolte, élégant et intelligent. Aussi polyglotte. Il apprend l’allemand pour ses premiers films. Et en japonais pour « Stupeur et tremblements » où, en…

Emily

Emily (avec un Y), Verseau et dotée d'un pouvoir qui m'aide à dénicher les informations les plus secrètes de vos stars préférées :)

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